L’opération Barkhane connaît son premier mort au Mali. Trois mois après la transformation de l’opération Serval, le sergent-chef Thomas Dupuy a perdu la vie mercredi lors de combats avec des djihadistes. Une mort qui dit beaucoup de l’avancée des terroristes et de l’intervention française et pose des questions, selon les spécialistes.
La France «partie trop tôt»? C’est l’avis de Vincent Desportes, professeur de stratégie, qui a refait la chronologie des événements sur France info: «On a d'abord l'opération Serval qui se passe extrêmement bien. Et qui détruit la grande majorité des forces djihadistes. Et puis hélas cette force doit partir beaucoup trop tôt, en particulier parce que nous sommes engagés en République centrafricaine
Ces derniers mois, les djihadistes ont de fait repris position au Mali. «Au lieu de supprimer ces groupes, on les a disséminés», résume pour 20 Minutes Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Iris. Selon lui, les terroristes se trouveraient désormais dans les montagnes, mais aussi dans les villes, prêts à commettre des attentats-suicides, et les villages, où ils se seraient intégrés par le mariage. «Les groupes djihadistes s'adaptent continuellement et gagnent en solubilité sur le terrain, notamment en s'infiltrant dans des groupes [touareg] dits rebelles», complète Mathieu Pellerin, chercheur à l’Ifri, interrogé par l’AFP. Pour autant, nuance Philippe Hugon, la France n’en est pas seule responsable. «La réduction d’effectifs en juillet aurait dû être compensée, mais personne n’a pris le relais», analyse-t-il. Ni la Minusma, la force des Nations unies, ni l’armée malienne.
Un problème de moyens? Cette question découle de la première. En redéployant ses troupes, la France «déshabille Jacques pour habiller Paul, tout cela n'est pas très sérieux», critique Vincent Desportes. «On a un problème d'effectifs et de moyens», en conclut-il. Actuellement, l’armée française dispose de 1.400 hommes au Mali. «Ce n’est évidemment pas assez», commente Philippe Hugon, alors que le trafic entre le Mali, la Libye et l’Algérie fonctionne à plein et que ces pays continuent de fournir des recrues aux djihadistes. La Minusma est dotée, elle, d’un peu plus de 8.000 hommes. Mais elle se déploie très lentement dans le Nord. «Les Nations unies sont toujours moins rapides que les armées nationales», explique Philippe Hugon. Ce qui déplaît à Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, qui a déclaré lundi que «le Nord du Mali est fragilisé parce que la Minusma n'a pas été au rendez-vous au moment où il le fallait». L’Union européenne, pour sa part, reste encore «absente», ajoute Philippe Hugon. Son rôle se limite à aider à la formation des soldats maliens. Avec des effets pour l’instant réduits, selon le chercheur, pour qui «l’armée malienne n’a pas été réellement reconstituée et n’a pas la connaissance du terrain». Pour y remédier, Vincent Desportes appelle donc la France à revenir «terminer le job». «Nous devons redéployer les moyens nécessaires pour faire face à cette menace», explique-t-il.
Vers un «enlisement»? Le terme a été utilisé par l’ancien ministre de la Défense Hervé Morin, ce jeudi matin, sur RFI. «Ce qui est à craindre, c’est un processus d’afghanisation, a-t-il estimé. […] Le risque, c’est que nous soyons dans un processus classique d’enlisement où nous comptons des succès militaires mais où, à chaque fois, le mal revient.»
Une analyse que Philippe Hugon ne partage pas tout à fait. «On ne peut pas parler d’enlisement. La guerre contre le terrorisme ne se gagne jamais militairement. Notre action doit s’opérer sur différents volets: tarir les sources du trafic, donner des perspectives d’emplois aux jeunes…» corrige-t-il. «Or la France ne pourra pas régler seule la question.»
http://www.20minutes.fr/monde/1471427-20141030-soldat-francais-tue-mali-mort-dit-beaucoup-choses-operation-francaise
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