mardi 15 janvier 2013

Ils ont côtoyé la mort afghane

Il y a 4 mois, ils franchissaient les portes du 19 e RG. Voilà 58 jeunes engagés, présentés au drapeau, qui rejoignent la famille des sapeurs d’Afrique. Avec eux, 80 sapeurs revenus d’Afghanistan en décembre dernier étaient mis à l’honneur, hier à Besançon. Une cérémonie qui a fait le lien entre l’histoire du régiment et l’histoire contemporaine.
Le caporal-chef Cédric Guyot est tout juste l’aîné des premiers. À 25 ans, il a déjà à son actif des travaux humanitaires au Liban et une mission de surveillance au Kosovo. « L’Afghanistan ? C’est tout ce pourquoi j’ai choisi ce métier. Une mise en pratique de tous nos apprentissages. » Issu d’une famille de militaires, le jeune Marseillais ne doute pas. Et trouve là, dans le concret d’une mission très particulière, de conseil aux régiments afghans, l’étanchement de sa soif d’agir.
Mines, engins explosifs, ouverture de pistes… Ils ont tout fait. Là-bas, il oublie la France et se concentre sur l’action. Le net et le téléphone permettent, entre deux coupures, d’entretenir les relations. « Je repartirai demain s’il le faut », promet celui qui gère sa carrière de façon à y parvenir très vite.
Le chef de bataillon Ralph Briend était, sur place, son officier pour cette mission de conseils administratifs, logistiques et opérationnels. C’était là son 3 e séjour en Afghanistan. Mais la responsabilité de 34 hommes, au cœur même de 500 soldats de l’armée Afghane, est une opération délicate. « Nous avions l’envie de leur donner, de les faire progresser. Et parallèlement existait la menace de tirs fratricides. Le danger pouvait venir de partout », explique-t-il. En filigrane de ces sept mois passés là, à Naghlu, à 60 km de Kaboul, demeure le souvenir douloureux et omniprésent des cinq soldats Français tués et des 17 blessés, qui renforce encore les raisons de partir.

L’Afghanistan fait mûrir

Alors au-delà des chiffres, on parle peu. Comme l’exigent les consignes. « Les réseaux téléphoniques peuvent être sur écoute. » Mais on parle peu au retour, aussi.
Après 23 ans d’armée, Ralph Briend sait qu’il est plus facile de laisser des enfants petits, qui pleurent aux départs et fêtent les retours, que des jeunes adultes qui connaissent les risques et questionnent peu. « On évite de trop en dire pour ne pas rajouter à l’anxiété de ceux qui restent », dit-il sobrement. L’Afghanistan fait mûrir quand elle ne fait pas mourir. Les réalités insoutenables ne se partagent pas. Pas plus en famille qu’entre collègues.
Les amitiés sont fraternité. Hors du groupe, point de salut. Le groupe sauve aussi de soi. Et rend chacun plus fort. L’hommage solennel et confraternel encadre les sentiments dans les rites. Tous l’affirment fort, ils ont fait le choix de ce métier pour ces opérations en théâtres extérieurs. Côtoyer la mort n’en est pas plus facile. Mais cela rend juste la vie plus précieuse. Plus réelle. Plus dense. Et l’être humain plus lucide parfois. Là-bas, dans cette Afghanistan « envoûtante » et ici aussi, ensuite.

http://www.estrepublicain.fr/doubs/2013/01/12/ils-ont-cotoye-la-mort-afghane

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