Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui s’est déjà rendu deux fois en Afghanistan en moins de deux mois, annonce que 650 soldats seront rapatriés avant la fin du mois.
La responsabilité de la province de Kapisa, où les Français sont présents depuis 2008, vient d’être transférée aux Afghans. Est-ce le début du désengagement français?
JEAN-YVES LE DRIAN. Le président de la République a approuvé le plan de retrait que je lui ai proposé. Le retrait d’Afghanistan, c’est maintenant. La cérémonie symbolique de mercredi en Kapisa marque le début de la transition de la responsabilité française vers la souveraineté afghane. Ce qui veut dire que le retrait des forces françaises commence. Avec des signes visibles : dès ce mardi 10 juillet, nos 3 Mirage 2000D, encore basés à Kandahar, auront regagné leur base de Nancy. Et au 1er août, 650 de nos 3 400 hommes actuellement présents auront quitté l’Afghanistan. Le calendrier de retrait se poursuivra et, à la fin de l’année, il n’y aura plus d’unités combattantes, conformément aux engagements du président de la République.
L’expression « forces combattantes » n’est-elle pas impropre?
En Afghanistan, tout le monde est combattant, mais c’est pour mieux faire comprendre qu’il y a des unités qui sont engagées dans le combat et d’autres plus dans le soutien et la formation.
Quelles sont les échéances suivantes?
A partir du premier semestre 2013, il y aura le transfert logistique, c’est-à-dire le transfert du fret qui se déroulera dans des conditions qui sont en cours de planification. Soit par voie aérienne jusqu’à Abu Dhabi (Emirats arabes unis), puis par bateau jusqu’à Toulon. Soit par le sud par voie routière, puisque la frontière pakistanaise vient de rouvrir. Mais elle restera risquée et très encombrée? puisque les Américains vont rapatrier 23000 hommes pendant qu’on en retire 2000. Soit par le nord par voie ferrée en traversant la Russie après avoir gagné l’Ouzbékistan et le Kazakhstan. L’ensemble doit se faire dans la plus grande sécurité : j’y veillerai personnellement.
La mission est-elle complètement achevée en Afghanistan?
Nous resterons dans la coalition jusqu’à la fin du mandat de l’Isaf (Force internationale d’assistance à la sécurité), fin 2014, sous trois formes. Nous gardons la responsabilité de l’hôpital militaire de Kaboul qui fait un travail exceptionnel. Nous continuons le travail de formation, y compris de cadres militaires (gendarmerie, école…) jusqu’à la fin de cette période. Et nous allons assurer à partir du 1er octobre la responsabilité de l’aéroport international de Kaboul. C’est une reconnaissance de l’excellence française dans ces domaines. Au-delà, nous resterons toujours présents et impliqués grâce au traité franco-afghan signé en janvier pour vingt ans et qui va être soumis au Conseil des ministres du 11 juillet, puis examiné au Parlement cet été.
La guerre n’est pas gagnée pour autant…
Les Français peuvent être fiers du travail réalisé pendant onze ans par notre armée. Les objectifs que s’était fixés la coalition sont atteints. L’Afghanistan n’est plus un Etat terroriste. Al-Qaïda a vu son pouvoir profondément affaibli, et ses chefs et ses infrastructures, comme Ben Laden, éliminés. C’est un Etat avec un président et une armée constituée. Qu’il y ait encore des problèmes internes de pacification, c’est évident, mais nous ne sommes plus dans la même logique.
Faut-il intervenir militairement en Syrie?
Bachar al-Assad doit partir. Cela a fait consensus lors de la conférence des Amis de la Syrie. C’est la voie diplomatique qui doit primer dans l’état actuel des choses. L’éventualité d’une intervention des forces françaises est conditionnée par deux préalables majeurs : 1/une décision du Conseil de sécurité de l’ONU ; 2/un processus politique de transition. Que nous participions à une force internationale de maintien de la paix quand un gouvernement de transition sera mis en place, certains posent la question, mais elle ne se pose pas pour moi aujourd’hui. D’autres opérations, seuls ou avec d’autres pays, ne sont pas envisagées actuellement par le gouvernement.
La France va-t-elle s’engager contre le danger islamiste au Mali?
Avec l’adoption jeudi à l’initiative de la France de la résolution 2056 du Conseil de sécurité, on a déjà fait un pas important qui en appelle d’autres. Cette résolution envisage explicitement le recours à la force sous réserve d’une proposition africaine. Il faut maintenant que l’Union africaine trouve les voies et les moyens de la mise en œuvre d’un tel dispositif, qui sera soumis à une nouvelle résolution, mais ce n’est pas la vocation des forces françaises. Si cette initiative appelle un soutien d’autres acteurs, il serait souhaitable que celui-ci soit européen. La France ne devrait pas être seule parce que ce qui se passe au Sahel concerne la sécurité de l’Europe. J’ai le souci de la situation au Sahel qui risque d’apparaître demain comme un sanctuaire du terrorisme, un nouvel Afghanistan miné par l’islamisme au cœur de l’Afrique. On a sous-estimé politiquement la fragilité du Mali et les conséquences de la chute de Kadhafi, dont une partie des milices soutenant le régime sont passées au Mali.
Votre gouvernement n’est-il pas tenté par de nouvelles coupes dans le budget et les effectifs de la Défense?
François Hollande s’est clairement engagé sur le sujet pendant la campagne. Il n’y a pas de plan supplémentaire de réduction d’effectifs de la Défense au-delà de ce qui était déjà engagé avant notre arrivée. Les effectifs, à terme, auront été réduits de 54923 depuis 2008. Nous n’allons pas en rajouter, c’est déjà assez difficile comme cela. Et le budget de la Défense est logé à la même enseigne que les autres ministères. C’est-à-dire qu’il va subir une réduction de ses frais de fonctionnement comme les autres, mais ni plus ni moins! J’insiste sur le « ni plus ».
La France reste attachée à sa dissuasion nucléaire…
Le président de la République vient de le démontrer avec éclat et solennité en se rendant mercredi à bord du « Terrible », un de nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). Pour reprendre la formule de François Mitterrand, François Hollande a voulu montrer que la dissuasion, c’était lui. Qu’elle était incontournable et constituait un instrument majeur de notre souveraineté.http://www.leparisien.fr/politique/jean-yves-ledrian-le-retrait-d-afghanistan-c-est-maintenant-08-07-2012-2081887.php
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