Dans la nuit du 5 au 6 mai 1941, est parachuté, près de Valençay, sur la route de Levroux, dans l’Indre, Georges Bégué, alias Georges Noble, le premier agent français du Special Operations Executive (SOE). Opérateur radio, il a pour nom de code « Bombproof ». Son contact sur place est un ancien député de la circonscription, Max Hymans. Peu de temps auparavant, dans deux messages transmis à Londres par des connaissances en lesquelles il a toute confiance, ce dernier a fait savoir qu’il « se considère comme mobilisé et qu’il se tient à la disposition de la France libre pour tout travail à effectuer à l’intérieur ». Il précise également qu’il habite à 20 kilomètres de la ligne de démarcation. Georges Bégué pianotera son premier rapport le 9 mai.
Créé le 18 juillet 1940 par Winston Churchill, alors que Philippe Pétain avait, le mois précédent, demandé aux soldats français de « cesser le combat », le SOE, rattaché au MI6 de l’Intelligence Service, avait pour mission de fournir des renseignements, saboter et désorganiser les armées allemandes dans les pays occupés. Autrement dit, de « mettre le feu à l’Europe », selon l’expression du Premier ministre britannique. Vendredi, lors d’une cérémonie au mémorial de Valençay, la princesse Anne d’Angleterre a rendu hommage aux agents français de ce service secret britannique morts pendant la Seconde Guerre mondiale.
La fille de la reine Elisabeth II a le grade de commandant en chef dans la First Aid Nursing Yeomanry (Fany) : des ambulancières qui ont servi durant les deux guerres mondiales et dont beaucoup s’engagèrent au SOE. Au total, la section F du SOE, dirigée à partir de septembre 1941 par un officier britannique du renseignement, Maurice Buckmaster, a parachuté en France 400 agents, qui vont encadrer des dizaines de réseaux. L’un d’eux, « Victoire », a été créé dans le Gers, par deux résistants du Nord qui avaient échappé à la Gestapo.
Trois amis
Autre réseau de la section F du SOE : « Jean-Marie Donkeyman », à La Ferté-Bernard, dans la Sarthe. A l’origine de ce groupe : trois amis, un apiculteur, Roland Drapier, alias « Bourdon », un bijoutier, André Morognier, alias « la Montre », et un arboriculteur, Robert Vouille, alias « Poirier ». Le premier sera responsable du renseignement, le deuxième se chargera du ravitaillement et de la comptabilité, tandis que le troisième, dont le pseudonyme sera transformé en « Léon », prendra la tête du groupe paramilitaire, de l’organisation des maquis et des sabotages, tout en assurant les liens avec la hiérarchie de la Résistance. Une des « plus belles » opérations de Robert Vouille sera la destruction, le 25 juillet 1944, d’un train allemand transportant des canons, qu’un sabotage de la voie ferrée avait immobilisé en gare du Theil-sur-Huisne, quadrillée par les SS. « Nous sommes partis à cinq ou six, nos musettes pleines de plastic et de crayons d’allumage à retardement, racontera-t-il plus tard. Avec un camarade, nous sommes montés dans le train. Les autres assuraient notre protection. Nous avons posé du plastic sur chaque canon, piégeant la culasse, le fût, l’essieu ou un pneu. A peine nous étions-nous éloignés que tout a sauté. »
Le groupe « Jean-Marie Donkeyman » de La Ferté-Bernard est le seul des « réseaux Buckmaster » de la Sarthe à ne pas avoir été démantelé par les nazis et les hommes de Vichy. Tous les autres ont disparu après une existence moyenne de sept mois : « Gaston Ducas-Autogyro » a duré neuf mois, de juillet 1941 à avril 1942 ; « Arsène Satirist », cinq mois, de février à juillet 1943 ; « Max Butler », six mois, de mars à septembre 1943 ; « Hercule Lichterman », quatre mois, de mai à septembre 1943 ; « Athos Renaud Bricklayer » et « Belliard Phono Cinéma », quatre mois, de mai à septembre 1943 ; « Pascal Sacristan », six mois, de juin à décembre 1943. Des dizaines de déportés, de morts… En effet, les pertes des réseaux Buckmaster furent terribles.
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