lundi 21 mars 2011

Libye : la stratégie des frappes porte ses premiers fruits

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Dans les guerres qui commencent, la première phase, celle des bombardements aériens, est toujours la plus facile. L'opération «Aube de l'odyssée», déjà considérée comme la plus grosse intervention militaire dans le monde arabe depuis l'invasion de l'Irak en 2003, n'y fera pas exception. Les frappes américano-franco-britanniques contre les radars, les centres de commandement et les bases aériennes ainsi que les tirs de missiles Tomahawk - une centaine - effectués depuis les sous-marins, ont permis, selon les porte-parole de la coalition, de détruire la défense antiaérienne libyenne et d'instaurer une «no fly zone» au-dessus du pays.
Cette «première phase», ouverte samedi par les avions de chasse français, les ailes chargées de symbole politique, a permis dimanche de stopper l'offensive des forces de Kadhafi contre Benghazi, le fief de la rébellion, à l'est du pays. Elle devrait être suivie par des frappes menées contre les lignes de ravitaillement des forces pro-Kadhafi, destinées à couper leur soutien logistique. Ces attaques ne sont pas sans rappeler le scénario afghan, l'intervention contre les talibans, en 2001: des forces spéciales occidentales, quelques dizaines sans doute, notamment des SAS britanniques, discrètement introduites dans le pays avant l'intervention afin de guider les bombardements et d'encadrer les insurgés; une participation des forces locales, en l'occurrence les rebelles anti-Kadhafi: et un soutien aérien appuyé. À ce stade, la supériorité aérienne des alliés est si forte qu'elle donne généralement, en tout cas dans les premiers temps, l'illusion d'une victoire.

Un porte-parole de l'armée américaine a affirmé dimanche que les attaques de missiles avaient atteint 20 des 22 cibles que s'étaient fixées la coalition. Les principaux pays engagés dans les opérations aériennes ne se sont pas encore mis d'accord sur un état-major centralisé. En attendant la création d'un commandement de coalition, auquel l'Otan pourrait apporter son soutien, les premières frappes ont été effectuées sous commandement français, puis elles sont passées sous direction des Américains.

Une fois ce travail de nettoyage effectué, deux solutions. «Le régime et son armée, faite de bric et de broc, peuvent s'effondrer d'un coup sous la pression du choc psychologique», explique le colonel Michel Goya, docteur en histoire et spécialiste des «nouveaux conflits» à l'Irsem, l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire. Beaucoup dépendra de la motivation des forces de Kadhafi. Dans cette configuration, certains évoquent la possibilité d'une solution politique et de négociations.

Mais la stratégie des alliés a ses limites. Si les frappes échouent à desserrer l'étau et que Kadhafi décide de poursuivre le combat, les avions de la coalition devront s'attaquer aux forces militaires libyennes, tanks, artillerie et régiments d'infanterie. Tant que ceux-ci sont sur les grandes routes et dans le désert, l'opération ne présente pas de risque majeur. Mais frapper les tanks qui auront été placés dans les villes, au milieu des populations, est une autre paire de manches.

En 1999, il avait fallu deux mois et demi de bombardements aériens des alliés contre la Serbie pour détruire une vingtaine de chars de l'ancienne armée yougoslave. « Si l'intervention doit durer dans le temps, pour faire la différence, il faudra un soutien au sol », poursuit Michel Goya. Les bombardements aériens suffisent rarement pour détruire une armée, même petite et désordonnée. Si l'objectif, à demi avoué seulement, est de se débarrasser du colonel Kadhafi, les pays de la coalition, France et Grande-Bretagne en tête, mais aussi leurs alliés arabes, devront alors se poser la question d'une intervention terrestre pour «finir le travail». En 2006, la guerre menée par l'armée israélienne contre le Hezbollah avait commencé par des frappes aériennes contre le Liban-Sud. Elle s'était terminée au sol.
Peur d'un engrenage
Si la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, volontairement floue, exclut une occupation terrestre, elle n'interdit pas en théorie l'intervention de commandos. Échaudés par les expériences irakienne et afghane, craignant d'être aspirés dans un nouvel engrenage dans la région, les Américains ont prévenu qu'ils n'iraient pas. L'hypothèse d'une frappe ciblée qui débarrasserait le pays de Kadhafi et de sa clique permettrait d'éviter une guerre des sables. Mais elle est plus qu'aléatoire. Elle n'a en tout cas marché ni en 1986 contre le guide libyen, ni en 2003 contre Saddam Hussein. Le vieil adage s'applique toujours: il est plus facile de commencer une guerre que de l'arrêter.
http://www.lefigaro.fr/international/2011/03/20/01003-20110320ARTFIG00234-libye-la-strategie-des-frappes-porte-ses-premiers-fruits.php

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