jeudi 9 septembre 2010

Les militaires désertent au profit des étudiants

Linoléum, néons et enfilade de portes peintes donnent sur des chambres chichement aménagées : cela ressemble à un banal couloir de cité universitaire. Presque. Ici, les lits sont faits au carré, rangers et blousons kaki occupent les armoires et des photos de régiments en opération composent la déco... Pour quelques mois encore. Car les murs de la caserne Lourcine, boulevard de Port-Royal à Paris, s'apprêtent à passer des mains du ministère de la Défense à celles de l'Enseignement supérieur. Jeudi, en grande pompe, Hervé Morin et Valérie Pécresse devaient se rendre sur place afin de signer l'acte de cession qui prendra effet en 2012.

Une cession qui entre dans l'accord, passé en 2008, entre les deux ministères : il est alors prévu que certaines des casernes désertées entament une seconde vie comme résidences universitaires, puisque, tandis que l'armée se voit obligée de supprimer 54.000 postes civils et militaires en l'espace de cinq ans, l'université fait face à un manque chronique de logements étudiants. Les casernes d'Arras et de Limoges ont déjà passé le cap.

Éviter les "moments de battement"

Le site de Lourcine a, dans le dossier, une stature particulière. Il abrite les ressources humaines de l'armée de terre, qui, depuis 2008, sont chargées d'organiser les coupes sombres : 2.800 militaires et 800 civils en moins par an. Son directeur, le général Renard, a personnellement conduit la réforme côté personnel entre 2005 et 2008, avant d'organiser, depuis le boulevard de Port-Royal, la rationalisation de ses propres services. "Nous regroupons à Tours tous les départements RH, pour permettre une économie de 20 % du personnel, explique-t-il. Tout est prévu pour que le millier de personnes concernées déménagent entre le 1er et le 14 juillet 2012 : dans les ressources humaines, comme sur un terrain d'opération, il ne doit pas y avoir de moment de battement."

Pas de moment de battement, soit un jeu de chaises musicales qui se fait au cordeau depuis deux ans d'un bout à l'autre de la chaîne, dans les mouvements de personnel et de budget. Non sans douleur parfois. "En étant mutée ici, il y a trois mois, je savais que c'était pour déménager à Tours en 2012, et je pense avoir été très bien accompagnée. Mais ça ne m'empêchera pas de partir avec émotion, raconte Isabelle Suard. C'est tout de même un bâtiment historique, et puis, on est bien ici."

Entente cordiale

Les étudiants apprécieront certainement. Deux ailes du dix-neuvième siècle, un immeuble des années soixante, installés en U autour d'une place d'armes gazonnée. Les lieux seront gérés par l'Epaurif, le nouvel établissement chargé du "grand Paris universitaire" voulu par Valérie Pécresse. Il devrait accueillir une partie de Paris I Panthéon-Sorbonne et du Crous, restaurant universitaire et logements étudiants.

Mais alors, deux tours du même corps de bâtiment, seront encore à la disposition de sous-officiers célibataires à l'arrivée des étudiants. Des jeunes femmes, dans leur grande majorité. La conjugaison de petites militaires et de bouillants sorbonnards du même âge a-t-elle été anticipée, elle aussi ? Elle ne pourra qu'être positive, assure-t-on à Lourcine. Et l'entente entre étudiants et forces républicaines devrait aller plus loin encore : il se pourrait que la caserne de Serret, près de Metz, surpasse à l'avenir Lourcine en accueillant, dans les mêmes lieux, un internat d'excellence et une compagnie de CRS...
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