INTERVIEW - Le président de la commission de la défense de l'Assemblée Guy Tessier évoque une mutualisation des moyens avec la Grande-Bretagne.
Guy Tessier est le coorganisateur de la 8 e université d'été de la défense qui s'ouvre ce lundi à Istres,
LE FIGARO. - Cette 8e université de la défense est-elle placée sous le signe de la crise ?
Guy TEISSIER. - Elle débute, il est vrai, dans une ambiance difficile pour les armées. Professionnalisation, restructuration, RGPP (Révision générale des politiques publiques), restrictions budgétaires : ces dernières années, elles ont subi des changements que peu de corps de l'État auraient été capables de digérer. Bien sûr, la situation financière fait que nous sommes tous solidaires et que la défense aussi doit assumer sa part de responsabilité. Mais je ne vous cache pas mon inquiétude. 3,5 milliards d'euros d'économies, c'est la potion que les armées vont devoir avaler. Or, les recettes exceptionnelles sur lesquelles on compte pour s'en sortir ne sont pas acquises.
Quels seront les secteurs touchés ?
Nous ne savons pas encore où le fer portera. L'effort devrait être concentré sur le matériel. Il semble acquis, déjà, que la rénovation des Mirage D sera décalée. Mais d'autres programmes seront touchés. La défense fait face aujourd'hui à d'énormes défis.Les budgets sont soumis à de fortes pressions. Mais il nous faut absolument rester une nation cadre, conserver la «capacité d'entrer en premier» dans un conflit. En Afghanistan, nos soldats sont engagés quotidiennement face à un ennemi dur, qui nous observe, apprend de nos erreurs et utilise du matériel de plus en plus sophistiqué. Les armées sont prises entre le marteau de la réforme et l'enclume de la mission.
Quelles solutions préconisez-vous ?
Il faut adapter les programmes d'armements en cours d'exécution aux questions stratégiques du moment, donner plus de souplesse à nos procédures d'achat, trop lourdes et contraignantes et davantage travailler avec nos partenaires européens. À cet égard, je vois d'un bon œil le rapprochement franco-britannique, qui permettrait d'éviter les redondances et de mettre en commun des moyens, notamment dans le domaine maritime. Les Britanniques sont très pragmatiques. Chez eux, nécessité fait loi.
Concrètement, de quoi pourrait-il s'agir ? Pourrions-nous partager nos porte-avions ?
Nous pourrions, en effet, réaliser certaines opérations de ce type ensemble. Pourquoi ne pas imaginer un porte-avions britannique avec une escorte française, ou le contraire ? Cela fait vingt ans qu'on en parle mais on en discute à nouveau aujourd'hui. C'est un projet difficile à réaliser car les porte-avions transportent l'arme atomique, mais coopérer en mutualisant les moyens permettrait de diminuer les coûts. Nous pouvons aussi envisager une coopération entre nos sous-marins nucléaires.
Vraiment, sur un tel domainede souveraineté nationale ?
Oui, mais on ne pourrait le faire qu'en période de paix relative, comme aujourd'hui. En cas de crise, il faudrait que chacun puisse reprendre possession de sa propre dissuasion, car on ne peut pas partager le feu nucléaire. On pourrait imaginer que chaque pays maintienne son effort d'investissement dans la dissuasion, sans baisser la garde, tout en réalisant des économies de fonctionnement grâce à des coopérations.
La France doit-elle rester en Afghanistan et pourquoi ?
Oui, elle le doit, car la menace concerne tous les pays occidentaux. Il serait lâche et vain de laisser tomber ceux qui ont pris le parti de s'engager dans cette mission de stabilisation difficile mais indispensable. Si nous partions maintenant, cela voudrait dire que les 49 soldats français tombés en Afghanistan seraient morts pour rien. En Irak, les Américains ont tenu leurs engagements. Au prix d'une guerre cruelle, certes, mais ils ont apporté la stabilisation et la démocratie puis sont partis. Pourquoi ne pas espérer la même chose pour l'Afghanistan ?
http://www.lefigaro.fr/international/2010/09/12/01003-20100912ARTFIG00230-les-armees-sont-prises-entre-le-marteau-et-l-enclume.php
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