mercredi 15 septembre 2010

La tragédie des harkis racontée pour la première fois dans un documentaire (diffusion sur France 3 le 20 septembre à 20h35)

De rares fictions ont raconté le destin de harkis mais aucun documentaire n'avait retracé l'histoire des 200.000 "supplétifs musulmans" recrutés par la France pendant la guerre d'Algérie. France 3 s'y est enfin attelé et livre un film poignant qui évite tout misérabilisme.

Après "Apocalypse", documentaire à succès sur la Seconde guerre mondiale, Daniel Costelle et Isabelle Clarke se sont attaqués à un dossier encore brûlant.

Trois ans de recherche d'images d'archives en France, en Egypte et en Tunisie, de collecte de témoignages d'ex-harkis et militaires français, et, côté algérien, le black-out: "La blessure: la tragédie des harkis" a été accouché dans la douleur, raconte à l'AFP Isabelle Clarke.

"Ca a été très compliqué aussi de trouver la justesse" pour traiter de ce sujet ultra-complexe sans "tomber dans le manichéisme".

Car l'histoire des harkis se confond avec celle de la guerre d'Algérie dont on comprend, grâce à "La blessure", qu'elle a été aussi "une guerre fratricide", selon Jean-Jacques Jordi, docteur en histoire.

Pour quelles raisons les harkis ont-ils rejoint l'armée française? Pourquoi des dizaines de milliers d'entre eux ont-ils été massacrés après l'indépendance? Pourquoi le gouvernement français les a-t-il désarmés et abandonnés? Pourquoi ceux qui ont été rapatriés ont-ils été parqués dans des camps?

Au fil des témoignages, d'anciens harkis ou fils de harkis expliquent leurs choix. Deux anciens militaires français chefs de harkas apportent aussi un éclairage précieux.

"La France était là depuis 130 ans. Les harkis étaient des terriens. On leur a donné un fusil pour défendre leur terre contre un ennemi qu'on ne nomme pas, à manger...: pour la plupart, c'était une évidence", souligne Isabelle Clarke.

Et ceux qui furent qualifiés de "traîtres" n'avaient, surtout, pas d'autre choix.

Recueillir leurs témoignages a été "un long travail de mise en confiance", dit la réalisatrice: "Ils ont été très courageux de parler. On sent en eux un profond désir de réconciliation et de retour au pays. Certains reçoivent encore des coups de fils anonymes!".

"Je souhaiterais que ce film soit diffusé aussi en Algérie", commente-t-elle.

Là-bas, le sujet est tabou car, comme le souligne l'historien Benjamin Stora, le problème harki "touche la question de l'identité nationale algérienne", fondée sur une "mythologie résistantialiste", comme dans la France d'après la Seconde guerre mondiale.

Les harkis sont ainsi "considérés comme ceux qui ont fissuré l'identité de la nation", poursuit-il. D'où l'importance d'entendre leur voix.

"La blessure", qui ne se contente pas de "renvoyer dos à dos les protagonistes", redonne aux harkis une place centrale dans cette guerre et "oblige les autorités françaises à se poser la question de la place de leurs enfants et petits enfants, tous Français, aujourd'hui en France", explique Jean-Jacques Jordi.

Le texte, dense mais pédagogique, est lu par le comédien Saïd Taghmaoui, révélé par "La Haine" de Mathieu Kassovitz - qui prêta sa voix à "Apocalypse".
http://www.lepoint.fr/culture/la-tragedie-des-harkis-racontee-pour-la-premiere-fois-dans-un-documentaire-diffusion-sur-france-3-le-20-septembre-a-20h35-15-09-2010-1236603_3.php

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