jeudi 12 novembre 2015

14-18 : l'histoire oubliée du 126e RIT de Perpignan engagé en Tunisie

En ce début du mois d'août 1914, Perpignan voit s'éloigner vers le nord et l'est, vague après vague, ses hommes en pleine force de l'âge. Direction : les combats meurtriers des frontières et ceux de la course à la mer. À Perpignan, les "vieux" soldats de la territoriale, âgés de 35 à 47 ans, 3 500 hommes regroupés au sein du 126e RTI, sous les ordres du colonel Flick, attendent que l'on fixe leur destin. Optimistes, et compte tenu de leur âge, ils espèrent, avec leurs familles, que le régiment restera cantonné aux missions préalablement convenues, la garde des points sensibles du département. Mais à la guerre plus qu'ailleurs, rien n'est sûr. En effet, pour l'État-major français, si le front d'Europe de l'Ouest est la principale priorité, il faut aussi défendre et sécuriser l'Afrique du Nord, source potentielle de troupes coloniales fraîches pour les tranchées du front de l'ouest. En Tunisie, sous protectorat français, les régiments les plus opérationnels sont partis en France, et la révolte gronde à la frontière tuniso-libyenne, au point de dégrader la stabilité de ce territoire. Le 126 RTI, essentiellement composé de Catalans, prend donc la direction de la Tunisie. Le 19 août 1914, le régiment embarque à Port-Vendres, cap sur Bizerte, avec la mission de maintenir l'ordre. Un voyage dont les survivants allaient se souvenir toute leur vie durant.

  • Le sud tunisien s'enflamme
Le dépaysement, l'exotisme et une certaine tranquillité volent en éclats dès septembre 1915, quand le Sud tunisien s'enflamme brusquement. Le Sud de la Libye, agité par les mécontents de sa cession à l'Italie par les Ottomans en 1912 est le cœur de la contestation qui déborde dans le Sud tunisien. Les Italiens, maîtres de la Libye, et devenus nos alliés en avril 1915, ne peuvent faire face. La France les assiste donc, contre ces groupes armés se réclamant de la mouvance Senoussis. De fait, le mouvement est manipulé par les Allemands qui ont traité avec leurs alliés, les Turcs. Une révolte qui a tout de la guerre sainte, puisqu'il s'agit pour les Sénoussis de "chasser les ennemis de la religion". Les combattants italiens mordront bientôt la poussière, n'ayant parfois que la ressource de se réfugier en Tunisie, côté français donc. Un accueil que n'apprécie pas le calife Ben Asker, chef de ce djihad oublié, et bientôt il menace le Sud tunisien. La France ne dispose là que d'une troupe hétéroclite, des tirailleurs, des zouaves, quelques reliquats de bataillons d'infanterie et des "Joyeux", ceux que l'armée considère comme la lie de ses soldats envoyés dans le Sud tunisien pour purger condamnation et sanctions disciplinaires. Une urgence qui conduira à l'engagement de notre 126è RTI, pourtant peu préparé au désert. Par le jeu des mutations en France, sur la zone des combats, il ne reste plus que 1 600 hommes. Plus grave, les fusils modernes des soldats ont été envoyés en France et remplacés par des pétoires de 1 874. En face, les révoltés disposent de Mauser allemands dernier cri.
Une page de bravoure
Mais tant pis, dès le 11 août 1915, en précurseur, le 1er bataillon embarque sur le Victor Hugo direction Gabès. Un déploiement à marche forcée pour Dehibat, lieu de garnison prévue. 180 kilomètres à pied, par des pistes arides, de puits en puits, Médenine, Tataouine, puis cap au sud par Bir Remtsa, Fatnassia, Oum Souigh. Un parcours semé d'affrontements meurtriers, le long de pistes fréquentées par des caravanes chargées d'approvisionner les postes installés tout au long. Nos braves Catalans résisteront et écriront une page de bravoure, certains jusqu'au sacrifice suprême. L'un de ces combats, le plus violent à Bir Remtsa, verra tomber une quinzaine de Catalans, c'était le 25 septembre 1915. Il y a juste 100 ans… C'est pour cela, que dans certains cimetières du Sud tunisien, ou dans la métropole de Tunis à Gammarth, on trouve des noms tellement de chez nous : Albafouille, Borrat, Delonca, Doutres et tant d'autres. Ils étaient de Rivesaltes, d'Estagel, de Pollestres, de Fontpédrouse, de Bélesta, de Villemolaque, de Lamanère, de Caramany… 
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