Le chef d'escadron Christophe B., commandant la force de formation du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), décrypte la journée des joueurs au sein de cette unité d'élite, lundi 3 août. Objectif: renforcer la cohésion de groupe.
Comment est née l'idée d'un tel stage?Cela remonte à quelques mois déjà. Nous travaillons régulièrement avec des équipes nationales ou des sportifs individuels. Le GIGN a même développé des modules spécifiques, sur mesures, avec certaines entreprises du CAC 40, avec HEC ou encore avec des écoles d'ingénieurs pour améliorer le travail de leadership, renforcer la cohésion de groupe ou perfectionner la gestion des émotions. Nous mettons à profit ce que nous réalisons en interne dans nos formations et ce que nous vivons sur le terrain. L'idée, proposée à l'encadrement du XV de France par le GIGN, a séduit Philippe Saint-André [sélectionneur] et Julien Deloire, le préparateur physique. D'où cette grosse demi-journée du lundi 3 août, passée dans notre centre d'entraînement situé près d'Etampes. Nous voulions éviter le côté ludique. Nous leur avons mis la pression, tout en veillant à respecter de strictes conditions de sécurité.
Rien d'étonnant à cela. Le rugby est sans doute le sport avec lequel nous partageons le plus grand nombre de valeurs: engagement et combat bien sûr, mais surtout esprit collectif. On peut d'ailleurs établir un parallèle entre une équipe de rugby et nos sections opérationnelles: vous n'êtes rien sans le groupe et, à l'inverse, le groupe compte sur vous. L'idéal est de cumuler une grosse confiance en soi et la faculté de faire confiance aux autres. Le premier d'une colonne découvre le terrain et transmet l'information. Le deuxième doit s'adapter en conséquence, visualiser, analyser, en fonction de la position de l'adversaire. Comme dans le cas d'un regroupement sur le terrain.
Nous avons demandé à l'encadrement de former cinq groupes. Philippe Saint-André s'est chargé de les composer en fonction de ses impératifs sportifs. Le premier est axé sur la confiance en soi. Il s'agit d'un saut pendulaire de 24 mètres depuis un viaduc. Rien à voir avec un simple saut à l'élastique car le stagiaire ne doit pas rester passif en se jetant dans le vide. L'exercice nécessite un engagement du corps vers le haut.
Une fois à 24 mètres du sol, certains ont-ils fait demi-tour?
Aucun. Il y a bien eu quelques secondes d'appréhension naturelle mais tous se sont prêtés à l'exercice.
Et ensuite?
Nous les avons fait passer par un "parcours stress". Les joueurs devaient mémoriser un cheminement, les yeux occultés par un masque, escalader, franchir, traverser un vide sanitaire ou des zones polluées de gaz lacrymogènes, dans le fracas des tirs ou le bruit des aboiements d'un chien. Tout ceci pour libérer un otage. La difficulté étant de dépasser son stress, voire sa douleur, pour rester unis. Ce qu'ils ont réussi à faire. Le troisième exercice, nous l'appelons la "piste d'audace". Il permet de tester la confiance en soi et l'agilité. Ce parcours en hauteur impose de franchir une corniche, de passer par une tyrolienne, de gérer son appréhension face au vide. Le fait qu'il soit chronométré créé une certaine émulation entre les groupes. Nous les avons ensuite intégrés dans une colonne d'assaut avec notre équipement de près de 30 kilos et des armes réelles tirant des munitions de simulation. Nous nous trouvions alors dans des conditions proches du réel, avec de vrais explosifs. Enfin, les joueurs ont pu s'initier au tir, notamment au fusil d'assaut, ce qui nécessite une grande capacité de concentration.
Y-a-t-il eu de la casse chez les joueurs?
Non. D'ailleurs, il ne s'agissait pas d'activités purement physiques. Il ne fallait pas perturber la planification de l'entraînement physique de chacun. Il s'agissait de renforcer la confiance individuelle et vis-à-vis des autres. Certains étaient plus ou moins à l'aise face au vide ou dans les gaz lacrymogènes mais ils devaient compter sur leurs camarades et tenir compte de leurs réactions et émotions. Nous avons ensuite déjeuné avec eux à Marcoussis [Centre national du rugby]. Ce fut un moment d'échanges, sur les attentats de janvier un peu, mais surtout sur le dépassement de soi au nom du collectif, l'esprit de groupe.
Vous qui êtes formateur, retiendriez-vous certains membres de l'équipe de France au GIGN?
C'est impossible à dire. Le stage est bien trop court pour cela. Les joueurs ont évidemment le physique pour. Mais nos tests de sélection ne s'arrêtent pas à cet aspect. Ils s'échelonnent d'ailleurs sur plusieurs mois. Ils visent à mettre le candidat dans l'inconfort, avec privation de nourriture et de sommeil. C'est dans ces conditions que les caractères se révèlent. Inenvisageable dans le cadre de ce stage, tant l'alimentation est importante à ce niveau du sport international, surtout juste avant une Coupe du monde. De même, nous ne pouvions pas risquer de fragiliser la confiance des joueurs. Mais pourquoi pas imaginer ces tests bien en amont?
Quel bilan tirez-vous de ces ateliers?
Philippe Saint-André n'oeuvre pas dans la facilité mais il se dégage de cette équipe une force collective. Je peux vous dire que l'esprit collectif est là. Et bien ancré.
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