dimanche 4 mai 2014

Mazamet. Ils veulent rendre justice au gendarme résistant

En juin 1944, André Rabaudy a quitté la gendarmerie de Mazamet pour intégrer le Corps franc de la Montagne noire avec armes et collègues. Un acte de résistance jamais reconnu. Sa famille à Albi et les anciens combattants se mobilisent pour lui.
Alors que la France commémorera jeudi l'Armistice du 8 mai 1945 qui a mis fin à la Seconde guerre mondiale, Bernard Augé-Campo, président des anciens combattants d'Albi, repart au combat. Un combat pour l'honneur, celui d'André Rabaudy. Il y aura bientôt 70 ans, le 14 juin 1944, cet Albigeois de Carlus, gendarme à la brigade de Mazamet, glisse son arme de service sous son ceinturon. C'est le signal convenu avec trois de ses camarades. Au lieu de rallier Toulouse comme ils en ont l'ordre, André Rabaudy, Paul Omella, Ernest Roucoule et Ovide Hanot rejoignent le Corps franc de la Montagne noire. «Ils sont passés à la Résistance, emportant avec eux tout le matériel de la brigade, armes, huit pistolets, véhicules (voiture Peugeot 202, motos-solo Terrot et side-car Indian), 8 blousons de cuir et même 200 litres d'essence!», détaille Bernard Augé-Campo.

«Considéré comme déserteur»

André Rabaudy participe à quatre combats avec les maquisards, contribuant grandement à la Libération. «Le 20 juillet 1944, à la Galaube dans l'Aude, les Allemands les ont bombardés. Sa voiture a explosé. André en a réchappé, mais a failli y perdre la vie», en frémit rétrospectivement son épouse, Josèphe Rabaudy. C'est elle, chef de bureau à la chambre des métiers du Tarn, qui avait mis en relation un de ses collègues, Joseph Pescaïre de Marssac, membre du Corps franc, avec son mari. Le résistant avait dit au gendarme : «Si tu veux, je t'embarque!», se souvient Josèphe Rabaudy, qui portait elle des courriers pour la Résistance... «sans savoir ce qu'il y avait à l'intérieur»!

«Lui donner la Légion d'honneur posthume»

Le gendarme Rabaudy, qui avait alors 24 ans, craignait qu'on le fasse «collaborer avec les troupes d'occupation contre les résistants», choisissant alors de combattre à leurs côtés. «Considéré comme déserteur par Vichy, s'il avait été pris, c'était le peloton d'exécution», avertit le président des anciens combattants, qui salue «un courage exceptionnel digne des héros de 14».
Le «regret» de Bernard Augé-Campo, c'est que la République n'a jamais «reconnu ces actes de bravoure. Il a eu la médaille du Corps franc de la Montagne noire, mais c'était une distinction entre résistants. Il n'a jamais rien reçu d'autre de plus officiel», déplore Bernard Augé-Campo, qui entend «proposer André Rabaudy à la Légion d'honneur à titre posthume» et «lui rendre sa dignité» en le réhabilitant. Car, pour aussi incroyable qu'il y paraisse, son départ pour la résistance a brisé sa carrière dans la gendarmerie, même après la guerre. «Il a certes été réintégré, à la brigade de gendarmerie de Monestiès, mais un jour, son chef l'a convoqué et lui a montré son dossier, rappelant son procès sous Vichy pour avoir déserté en temps de guerre avec emport d'armes, d'effets et de véhicules. Il y avait cette mention sans appel : Ne jamais proposer à l'avancement. Des quatre gendarmes, il fut le seul pénalisé, car c'était le meneur», relate son épouse, qui veut «réparer une injustice».
Comme si la gendarmerie ne lui avait jamais pardonné d'avoir désobéi, qu'au lieu d'un titre de gloire, cela restait une tâche sur son blason militaire, même si c'était sous l'occupation, même si, on l'a vu depuis, c'est ce qu'il fallait faire. Avec d'autant plus de panache, le gendarme Rabaudy a pris une décision individuelle, en conscience, comme le général de Gaulle en 1940.

«Exemple pour les jeunes»

«Très discret, André Rabaudy ne parlait jamais de cet épisode de la Résistance, sauf lors des repas de famille si on le lui demandait», dit sa petite-fille Marie-Pierre Granier, «fière de l'exemple qu'il a donné aux jeunes générations», en commençant par ses propres enfants. Il en va pour elle «d'un devoir de mémoire».
Son chef de brigade lui a conseillé «de quitter la gendarmerie. Sinon, tu seras toujours bloqué et tu ne progresseras jamais.» Conseil suivi en 1946 par André Rabaudy, devenu épicier 11, rue de Balzac à Albi, où vit toujours son épouse âgée de 92 ans. Décédé en octobre 2005 à 85 ans, André Rabaudy fut aussi marchand de télés, puis de machines à tricoter, spécialité qui a valu à cet homme avenant, jovial et positif la notoriété à Albi. «Il allait apprendre aux ménagères à s'en servir, le soir quand elles étaient plus tranquilles», dit une de ses trois filles : «Il était plus connu comme tricoteur que comme résistant!» Cela va peut-être changer.

http://www.ladepeche.fr/article/2014/05/04/1874775-ils-veulent-rendre-justice-au-gendarme-resistant.html

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