jeudi 7 avril 2011

Libye: Avec les pilotes français qui combattent l'armée de Kadhafi

Il est 8h50 quand le Mirage 2000 s’arrache dans un vacarme assourdissant de la piste de Solenzara (Corse). C’est cette base aérienne, en Corse, qui accueille, avec une vingtaine d’appareils, le plus gros contingent d’avions de combat amenés à intervenir en Libye. Depuis le 21 mars, tôt le matin ou au coeur de la nuit, les vols s’enchaînent pour des missions «longues» de 5 à 7 heures. Une quinzaine de missions en moyenne chaque jour. Plusieurs ravitaillements au dessus de la Méditerranée, des opérations délicates pour les pilotes, sont à chaque fois nécessaires. Mais c’est une fois que les avions survolent le territoire libyen que le danger est réel. «Les forces loyalistes disposent de missiles sol-air à infrarouge portables de moyenne portée», précise le colonel Bometon, commandant en second de la base. Hors de question, donc, de voler à moins de 15.000 pieds (environ 4.500 m). «L’armée libyenne dispose également de moyens balistiques de longue portée mais qui ne peuvent plus être dirigés par radar et sont tirés à vue», précise-t-il.

Quelques petits exercices respiratoires

«Le stress apporte de la concentration», confie le jeune capitaine Manuel B., 28 ans, pilote sur Mirage F1. Il ajoute: «Ça peut paraître surréaliste de décoller d’ici où il y a la plage... Mais quand j’arrive là-bas, je ne pense plus au soleil corse.» Quand son avion se rapproche des côtes libyennes, Manuel fait quelques petits exercices respiratoires. «Je me réoxygène le cerveau, bouge les doigts, le corps. Un peu comme un boxeur.»
«Je suis heureux dans le sens où j’applique le coeur de mon métier. Professionnellement, c’est un accomplissement.» Les pilotes ressentent-ils une certaine excitation? «On évite ce mot, répond le colonel Bometon. Ça ne plaît à personne d’aller bombarder des gens. On est des pros, on fait notre métier. Mais la règle numéro 1, c’est d’éviter les dommages collatéraux.»

«Difficile d’identifier qui est qui»

Depuis le début de la semaine, glisse-t-il, les avions partis de Solenzara n’ont pas tiré. La raison? Les objectifs militaires identifiables - véhicules blindés, pièces d’artillerie - se font plus rares. «Ou les conditions requises pour éviter les dommages collatéraux n’étaient pas réunies.» Comprendre: la proximité de civils rend le tir dangereux pour leur vie. Et avec l’imbrication géographiques des forces en présence, le terrain se complexifie. «Tout ce qui est pick-up surmonté de canon, on ne peut pas tirer», poursuit le colonel. Impossible, selon lui, de savoir à quel camp il appartient. «Mais ce n’est pas avec un pick-up que l’on gagne la guerre», relativise-t-il.
Xavier, lieutenant-colonel, a déjà effectué deux missions de jour sur Mirage 2000. Mais n’a pas tiré. «Il est difficile d’identifier qui est qui. Il n’y a pas de lignes de front droites et faciles à suivre.» «Le but, ce n’est pas de se débarrasser des bombes, confirme le lieutenant-colonel Cédric Gaudilliere qui a effectué deux missions sur Rafale. On va chercher les abords des endroits vulnérables pour voir si les troupes loyalistes avancent. Si l’on a un doute, on ne tire pas.» Lui est revenu de son dernier vol à 5h du matin. Et accuse le coup. «Le rythme jour-nuit est difficile. C’est assez fatiguant. Il faut deux à trois jours d’intervalles pour chaque pilote entre les missions.» Il est déjà 14h55, le Mirage 2000 revient à la base. Sous ses ailes et sous le fuselage, les missiles air-air et air-sol n’ont pas bougé. Aujourd’hui, il n’a pas ouvert le feu.
http://www.20minutes.fr/article/702527/monde-libye-pilotes-francais-combattent-armee-kadhafi
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