vendredi 6 janvier 2017

Faut-il réinventer le service militaire

Suspendu – et non pas supprimé – il y a vingt ans par Jacques Chirac, le service militaire obligatoire revient dans les débats ces derniers mois, porté par certains candidats à la présidentielle, sur fond de nouvelles menaces globales et de perte de valeurs de la société. Mais son rétablissement n'irait pas sans problème.
Pourquoi l'avoir arrêté ?
> Les historiens le constatent, après la défaite de 40, la guerre d'Algérie consacre le divorce entre la nation et l'armée de conscription.
Une première évolution aura lieu en 1971, où le service militaire devient service national. L'engagement peut prendre désormais de multiples formes, militaire, technique ou civique, et peut être reporté jusqu'à l'âge de 22 ans notamment pour cause d'études.
Vingt-cinq ans plus tard, c'est une profonde refonte des armées qui est engagée. «Le service militaire a été créé en 1905, comme vous le savez, à une époque où il fallait des poitrines à opposer à d'autres poitrines — si j'ose dire — face à un danger extérieur», expliquait Jacques Chirac le 22 février 1996. «Cette époque est complètement révolue. Nous n'avons plus besoin d'appelés, de gens faisant leur service militaire.» Telle était l'analyse du président français il y a 20 ans. La guerre froide n'est plus d'actualité avec l'effondrement de l'URSS en 1991, et le chef de l'Etat fixe comme objectif d'avoir une armée plus efficace, plus moderne et moins coûteuse.
D'où cette suspension, qui sera effective par la promulgation de la loi le 28 octobre 1997. Contrairement à une croyance largement répandue, le service militaire n'a pas été à proprement parler supprimé, la loi indiquant : «Il est rétabli à tout moment par la loi dès lors que les conditions de la défense de la Nation l'exigent ou que les objectifs assignés aux armées le nécessitent».
Quels arguments pour le rétablir ?
> Selon un sondage réalisé fin 2016, 74 % des Français réclament le retour du service militaire, au nom des valeurs morales, d'ordre et de sécurité.
A tort ou à raison, les Français et certains de leurs élus considèrent que le service militaire était un instrument de cohésion sociale, permettant, durant quelques mois, d'aplanir les différences sociales pour l'ensemble d'une classe d'âge, de repérer les jeunes à la dérive, et d'inculquer des valeurs qui aujourd'hui feraient défaut.
Autre argument, les défenseurs de son rétablissement mettent en avant l'évolution des menaces auxquelles la France doit faire face. La menace d'attentats d'abord, qui n'a jamais été aussi élevée, et qui mobilise aujourd'hui via l'opération Sentinelle près de 13 000 militaires sur le territoire français. Une mobilisation qui entraîne une baisse du taux d'entraînement de ces professionnels, qui devient problématique pour leur efficacité. Les menaces extérieures sont par ailleurs redevenues crédibles dans un monde multipolaire où la Russie et l'Iran se renforcent, où le Moyen-Orient se délite et où Europe et Etats-Unis cèdent aux sirènes du populisme.
Quels sont les freins à son retour ?
> Depuis 1996, les effectifs de militaires professionnels et le nombre de casernes ont tellement baissé, que l'armée n'aurait plus les moyens humains et logistiques aujourd'hui d'encadrer des centaines de milliers de jeunes chaque année.
Un autre frein important est tout simplement budgétaire. Alors que l'Etat est engagé dans une baisse des dépenses et de réduction des déficits, le coût du rétablissement d'un service militaire obligatoire engendrerait un surcoût difficilement supportable. La fondation libérale Ifrap a calculé qu'un service de 3 mois coûterait de 2 à 3 milliards d'euros par an et un service de 6 mois de 4 à 5 milliards d'euros par an.
Enfin, l'explosion des opérations extérieures (Opex), nécessite des soldats performants et surentraînés. Un défi auquel une armée de conscription ne saurait répondre.
Des alternatives existent déjà
> Si le service national obligatoire est donc suspendu depuis 1997, des alternatives sont proposées aux jeunes voulant s'engager ponctuellement.
Depuis 1997, tout Français âgé d'au moins 17 ans peut ainsi s'inscrire dans la Réserve Opérationnelle, qu'elle soit rattachée à l'armée, la police ou la gendarmerie. Depuis octobre 2016, ces 63 000 réservistes sont regroupés au sein de la nouvelle Garde Nationale.
Mais l'engagement citoyen au service de la nation recouvre aussi d'autres formes :
- le service civique, créé en 2010. Facultatif, mais «universel», donc accessible à tous depuis 2015, il est rémunéré 573 euros par mois.
- le service militaire volontaire, instauré en 2015, après les attentats de Paris, destiné à réinsérer les jeunes décrocheurs de 18 ans à 25 ans.
- le service militaire adapté, un dispositif spécifique à l'outre-mer, maintenu depuis 1961.
http://www.ladepeche.fr/actu/france/defense-armee/

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