mardi 15 novembre 2016

Cohésion

Mon cher camarade,
Novembre n’est pas le mois le plus facile, ni le plus agréable. Les jours raccourcissent, le froid s’installe et les virus se propagent. Seuls ceux d’entre vous qui sont outre-mer ou en opération extérieure ont un point de vue différent ; mais là-bas, ils font face à d’autres difficultés…
Dans cette grisaille, il m’a semblé intéressant de vous parler, cette fois, de cohésion.
La cohésion est l’antidote à la morosité et à la désespérance. Pour beaucoup d’entre vous, c’est pour en faire l’expérience que vous avez choisi de vous engager. Vous pressentiez qu’en poussant la porte vous aviez de grandes chances de la vivre et d’en vivre. J’espère que vous avez pu découvrir combien la cohésion est source de vrai bonheur !
Alors que beaucoup prônent l’individualisme comme modèle de vie, nous misons sur la force du collectif. Quand certains expliquent que tout est interchangeable, nous savons au contraire que chacun est unique. Ne cherchez pas la cohésion au bas de la pente de la facilité ; elle ne se livre qu’à ceux qui ont choisi l’effort et le dépassement. N’espérez pas la trouver dans l’urgence d’une vie pressée, car elle ne se révèle qu’à ceux qui savent prendre le temps d’écouter et de partager.
Quand elle apparaît, tout devient subitement plus facile. Derrière elle, en rangs serrés, on trouve l’esprit de corps, d’équipage ou d’équipe, l’entraide, la fraternité d’armes et même l’amitié.
Quand elle s’effrite, au contraire, il y a comme quelque chose de cassé. L’horizon s’assombrit. Tout devient pénible et lourd. La grisaille s’installe dans l’unité ou dans l’équipage, plus épaisse et plus froide que celle d’un mois de novembre.
Ne pas travailler à la construction de la cohésion, c’est mettre en péril l’exécution de la mission. La singularité de notre métier de soldat, de marin ou d’aviateur réside, justement, dans la confiance mutuelle, la certitude de pouvoir compter sur son camarade en cas de difficulté ou de péril, à tout moment. Là est notre trésor le plus précieux et le secret de notre force.
C’est pourquoi nous avons collectivement le devoir de la protéger et de la faire grandir. Comment ? Il y a deux manières ; une bonne et une mauvaise.
La mauvaise, c’est la cohésion qui se construit « contre » : contre l’autre équipe, contre l’autre unité, contre l’autre armée, contre l’échelon supérieur, contre les jeunes, contre les vieux, contre les plus faibles… Cette cohésion n’est que façade. Elle est fausse et éphémère. Elle mène immanquablement aux luttes intestines. Celles qui nous affaiblissent et font le jeu de l’adversaire. Celles qui laissent un goût amer dans la bouche : celui de la défaite et de la désunion.
La bonne, celle que je vous demande de mettre en œuvre, c’est la cohésion qui se construit « avec ». Avec tous les membres de l’unité, sans exception ; avec les autres unités par une saine émulation ; avec les chefs qui doivent avoir à cœur de créer les conditions favorables à la cohésion ; avec les anciens, avec les plus jeunes, et bien sûr, avec nos blessés et leurs familles – je vous en parlais dans ma dernière lettre –. Les cohésions ne s’opposent pas ; elles s’additionnent. Cette unité s’incarne dans notre drapeau, le thème que j’ai choisi pour ma prochaine lettre.
Alors, en avant ! Ensemble !
Fraternellement,
Général d’armée Pierre de Villiers
Ecole militaire, le 14 novembre 2016

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