Dans la chambre qu'occupe Constant Engels à la résidence Edelweiss de Beauzelle, en Haute-Garonne, il n'y a que deux photos sur l'étagère. Sur l'une, un général en uniforme blanc se penche sur un blessé allongé sur son lit d'hôpital. Sur l'autre, un président de la République remet la Légion d'honneur à un alerte septuagénaire dont le placard de médailles est déjà impressionnant.
Devant la première, Constant Engels se rappelle… «C'est la photo où de Gaulle me décore, c'était à Damas. J'étais très honoré, de Gaulle en personne ! ça m'a laissé un grand souvenir… pour nous, la réputation du général était extraordinaire». Ruban noir et vert, disant alors le deuil de la France et l'espérance de la victoire, écu de bronze portant superposés le glaive et la croix de Lorraine : décret du 9 septembre 1942… Constant Engels recevait la Croix de la Libération et était officiellement fait Compagnon (1).
«J'avais 22 ans», précise cet ancien chercheur du Commissariat à l'énergie atomique. Lui, l'un des 16 derniers survivants de cet Ordre prestigieux et qui, pour l'éternité, ne recensera jamais que mille trente-huit personnes, cinq communes françaises et dix-huit unités combattantes.
17 juin 1940, son destin bascule
Juin 1940… Constant Engels n'a pas encore 20 ans. Né à Esen le 11 août 1920, ce brillant élève qui prépare l'école des Mines et Sciences-Po en Belgique, est trop jeune pour être mobilisé lorsqu'éclate la guerre en 1939. Mais comme tous les Belges, il subit de plein fouet l'offensive allemande qui envahit son pays et coupe d'un coup de faux avec ses panzers les jarrets de la France. Avec sa mère et sa famille, le voici maintenant prisonnier de la poche de Dunkerque. Dans l'enfer des bombardements, ils arrivent à se faire évacuer vers l'Angleterre. Quelques jours d'attente à Folkestone… et son destin bascule. Car il est mobilisable, désormais.
«Alors on m'a renvoyé vers la France pour poursuivre le combat», explique-t-il. Ce 17 juin 1940, il embarque donc pour retraverser la Manche. Mais le même jour le maréchal Pétain déclare à la radio… «C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat» – et permet ainsi à l'ennemi de faire plus d'un million de prisonniers.
Message reçu, son bateau fait alors demi-tour et rentre à Folkestone tandis que Constant Engels, lui, décide de poursuivre le combat. Il rencontre un membre de l'entourage d'un général de brigade alors inconnu, sous-secrétaire d'état à la Défense nationale et à la guerre du 6 au 16 juin 1940 et qui refuse la capitulation... Avant la fin du mois, le jeune homme fera partie des premiers à s'engager dans les Forces Françaises Libres de ce général De Gaulle.
Blessé à Bir-Hakeim
Artilleur, il fait Dakar, le Gabon, l'Érythrée avec ses victoires contre les Italiens suivie de la Syrie en juin 1941… Bientôt, c'est la Libye et «l'un des combats les plus importants auquel j'ai participé a été Bir-Hakeim», relève-t-il, modestement. Se permettant juste de pointer le «retentissement international» de l'extraordinaire résistance de la 1ère Brigade française libre face à l'Afrika Korps de Rommel.
Et lui ? «Ah oui, c'est là que j'ai été blessé, le tibia fracturé, une vilaine blessure». C'était le 7 juin 1942. Puis ce sera de nouveau la Syrie, l'Afrique, l'état-major du général Koenig, à Alger puis à Londres.
Le 8 mai 1945 ? Aujourd'hui âgé de 94 ans, mais toujours élégant, il ne se souvient plus de tout. Mais se rappelle que la fin de l'horreur en Europe a été pour lui enfin l'occasion de renouer avec ses 20 ans qu'il n'avait jamais eus, l'écho de liberté qu'il garde des «musiques militaires américaines, qui, contrairement aux autres, étaient très dansantes et joyeuses».
Sa nièce lui prend le bras et lui dit : «Tu es un héros». «On a fait notre devoir». Pour lui, l'avenir, il y a 70 ans, ce n'était pas de devenir un ancien combattant, mais d'enfin pouvoir reprendre ses études et rebâtir.
(1) Ses compagnons blessés sont décorés à Beyrouth le 9, De Gaulle part de Damas pour le Tchad le 13 .
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