lundi 27 avril 2015

Economies: la Défense à l'épreuve du Budget

L'Etat français maintient depuis janvier son plan Vigipirate au niveau "alerte attentat", déployant quotidiennement plus de 7000 soldats, sans limite de durée, qui s'ajoutent aux 10 000 engagés dans des opérations extérieures. Des militaires principalement chargés de la surveillance des lieux publics très fréquentés (gares, aéroports, monuments, grands magasins...) qui viennent en renfort des forces de l'ordre (police et gendarmerie) déployées sur les lieux sensibles (écoles, médias, lieux de culte). 

Revoir la loi de programmation militaire?

Face à cette situation exceptionnelle, l'exécutif est sommé de revoir sa copie budgétaire. Initialement, la loi de programmation militaire 2014-2019 (LPM) prévoyait des réductions d'effectif (34 000 postes en tout dont 18 300 sur les trois derniers exercices) qui ne collent plus avec la menace terroriste actuelle. 
Ce mercredi, François Hollande préside un Conseil de défense décisif. Il va devoir trancher entre la nécessité de garder des effectifs opérationnels... tout en donnant des gages à Bercy. Officiellement, Manuel Valls cherche 2,8 milliards d'euros d'économies dans les dépenses de l'Etat en 2016, qui viennent s'ajouter aux 50 milliards d'euros votés jusqu'en 2017

Une rallonge supplémentaire?

Le budget de la Défense défini par la LPM s'élève à 31,4 milliards d'euros pour 2015. Mais dans ce budget initial, 2,2 milliards devaient provenir de ressources exceptionnelles: la vente aux enchères de fréquences hertziennes de très haut débit (TNT). Pour accélérer ce processus, les grands patrons de télécoms ont justement été convoqués à Bercy la semaine dernière par Emmanuel Macron. Mais les enchères ne sont prévues qu'en fin d'année. 
Dès lors, une solution a été mise sur la table: la création de sociétés de projet (SPV, "special purpose vehicle"), des coquilles juridiques qui doivent permettre aux armées, grâce aux finances de l'Etat, de louer du matériel militaire acheté avec des deniers publics. Concrétement, l'Etat vendrait des actions par l'intermédiaire de l'Agence des participations de l'Etat (APE), puis achèterait du matériel (on parle de trois frégates et quatre avions de transport de type A400M) et "louerait" finalement l'ensemble au ministère de la Défense. Curieux montage. 
Cette solution, proposée par les équipes de Jean-Yves Le Drian, n'a pas reçu un écho très favorable de Bercy. Mi-avril, au Sénat, Christian Eckert signalait ainsi que "s'il s'agit de gagner quelques mois pour 2 milliards d'euros, autant mettre des crédits budgétaires". "Les sociétés de projet, ça coûte cher et ça ne sert à rien", explique-t-on à Bercy, où l'on signale aussi qu'"emprunter deux milliards d'euros à six mois, avec les taux négatifs (comme en ce moment), ça nous rapporte même de l'argent." 

Des militaires contre des enseignants?

Si Bercy et la Défense s'opposent sur la méthode, le chef de l'Etat va aussi devoir s'interroger sur un fond plus politique. Signe de son engagement en faveur de la jeunesse, François Hollande s'était engagé à recruter 60 000 enseignants sur le quinquennat... tout en stabilisant les effectifs publics. Or cette promesse tenait en grande partie par des suppressions de postes dans l'armée (34 000 entre 2014 et 2019). 
Seulement, pour maintenir les forces de l'opération "Sentinelle" à niveau constant, le roulement des effectifs impose de compter trois soldats dans ses rangs pour un seul sur le terrain. Et la Défense a fait ses comptes: il faudrait sauver 18 500 postes pour remplir cette mission. D'où le nouveau casse-tête politique que va devoir trancher mercredi François Hollande: respecter un engagement présidentiel ou céder aux besoins de son Armée. 
 

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