jeudi 12 février 2015

Vigipirate: les Français se mobilisent pour chouchouter leurs soldats

REPORTAGE - Des riverains, parents et enfants offrent spontanément boissons chaudes, gâteaux et autres victuailles pour remercier les militaires chargés de surveiller les sites sensibles. Une association a même décidé de lancer une opération nationale de solidarité envers les soldats engagés dans le plan Vigipirate.
«Comment ça va ce matin? Je vous rapporte un café? Un croissant?». Depuis quelques semaines, les gestes de sympathie se multiplient envers les 10.500 militaires déployés depuis la mi-janvier dans le cadre du plan Vigipirate. Spontanément, des voisins, des parents et des enfants viennent offrir cafés, petits-déjeuners et gâteaux aux soldats qui protègent près de 830 sites, dits «sensibles», depuis les attentats meurtriers de Charlie Hebdo.
Pour encourager cet élan de solidarité, l'association «Voisins solidaires» a lancé fin janvier une «opération sentinelle - merci à nos soldats» pour sensibiliser davantage les Français et les inviter à faire un geste. Après une première distribution d'affiches dans les quartiers parisiens, «on s'est rendu compte que les habitants jouaient le jeu et se mobilisaient pour leur apporter des crêpes, des bonbons ou des boissons chaudes», se réjouit Atanase Perifan, président de l'association. «Après tout, ce sont nos nouveaux voisins pour un petit bout de temps, c'est donc l'occasion de sympathiser», commente le responsable associatif qui compte étendre cette expérience réussie au reste de la France, via ses 110.000 réseaux de voisins solidaires et les 1100 mairies et bailleurs sociaux partenaires de l'association.

Croissant, pizza et café

Dans les synagogues et les écoles juives, l'hospitalité est aussi de mise. Comme dans ce lycée privé juif au nord de Paris, où on a fait en sorte que les militaires soient bien accueillis. «Ils mangent à la cantine avec les enfants et on leur a mis à disposition une salle pour qu'ils puissent mettre leurs affaires et qu'ils puissent se reposer», raconte cette secrétaire. «Pour nous, c'est une façon de les remercier. Ils protègent nos enfants, et ça, c'est sacré».
Dans une synagogue de l'Ouest parisien, on a également mis les petits plats dans les grands. Ici, les militaires dorment et mangent sur place, en contact avec les 200 fidèles qui fréquentent la synagogue. Une grande pièce de 60 m² a été mise à leur disposition, avec cuisine, salles de bain et tous les jours, le traiteur du coin leur apporte un plat chaud. «Et samedi soir, c'est pizza», s'amuse le jeune rabbin, pour qui, la présence des militaires est un immense soulagement. «Je pense que s'ils n'avaient pas été là, les synagogues auraient été désertées», confie-t-il. Conscient que ce dispositif inédit reste toutefois temporaire, il espère qu'une solution pérenne sera trouvée à long terme. «Il faudrait que nous puissions avoir une protection systématique», plaide le jeune homme.

«Des gens vous remercient, c'est quand même improbable!»

Au même momant, Linda, une habitante du quartier est arrivée devant la synagogue. Comme chaque matin, elle est venue saluer les militaires. «Au début, je n'osais pas vous proposer à manger, j'avais peur que ce soit interdit», explique-t-elle au lieutenant David, un grand brun aux épaules larges. «Mais demain, promis, je vous ramène des pâtisseries portugaises», lance la petite dame de 67 ans. Quelques minutes plus tard, c'est au tour de Michel, commerçant dans le quartier. «Bon, ça va? Pas trop eu froid cette nuit?», demande-t-il en leur tendant un café.
Pour les soldats en kaki, tous ces gestes de solidarité sont une réelle surprise. «On ne s'attendait pas à ce que les gens soient aussi accueillants, c'est vraiment touchant», confie le caporal chef Terii. A côté, le lieutenant David dit n'avoir jamais vu ça. «Des gens s'arrêtent, vous disent bonjour et vous remercient, c'est quand même improbable!», s'exclame-t-il. «Après, il y a eu quelques réactions négatives», concède le caporal chef Terii. «Mais ça reste marginal par rapport à tout ce qu'on reçoit de positif». Depuis le déploiement des militaires début janvier, quelque 300 incidents (insultes, présences suspectes, etc.) ont été recensés en Île-de-France.

Une véritable organisation via les réseaux sociaux

La mobilisation passe aussi par Internet. Via les réseaux sociaux, des mamans s'organisent et se passent le mot pour que leurs vaillants soldats soient toujours bien nourris. C'est notamment le cas de Deborah*, qui est inscrite sur plusieurs groupes Facebook. «Je participe à des conversations pour savoir quelle maman ramène quelle recette et quel jour», explique-t-elle. «On s'envoie aussi des SMS pour se tenir au courant. Cela nous permet de nous relayer pour qu'ils aient toujours à manger». Si les militaires sont ravis de cet accueil, certains tentent de lever le pied, pour éviter de prendre du poids. «Tous les jours, on vient les voir et on leur dit ‘Allez, c'est juste un petit morceau de gâteau, vous n'allez pas le refuser!' Et A la fin de la journée, ils n'en peuvent plus», s'amuse Sarah*, une autre maman d'une cinquantaine d'années. Pour le colonel Brulon, porte-parole de l'opération sentinelle en Île-de-France, ces attentions sont largement méritées. «Les gardes de sites sont assez difficiles, donc je pense qu'ils dépensent sans problème tous les calories ingurgitées», plaisante l'officier.

«Il y a un réel enrichissement mutuel exceptionnel»

Comment expliquer cet engouement autour des militaires? «Les Français ont toujours été fiers de leur armée mais depuis le début de l'année, ils mesurent d'autant plus l'engagement et le dévouement de leurs soldats», avance le colonel Brulon. «Ils sont là debout toute la journée, dans le froid, pour protéger nos enfants. C'est la moindre des choses que nous les nourrissions», répond une autre maman. Au fil des semaines, des liens complices se sont tissés entre les soldats, les fidèles et les familles. «On pensait qu'on ne se parlerait pas mais en fait, un vrai dialogue s'est installé avec eux et je les trouve vachement sympa», rapporte Sarah. «Ils nous posent énormément de questions sur notre culte, notre manière de vivre la religion, c'est un vrai échange finalement». En résumé, «les militaires sont pour la plupart en train de découvrir une communauté et inversement», observe Joël Mergui, président du Consistoire central israélite de France. «Il y a un réel enrichissement mutuel qu'on aurait jamais imaginé».
* Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/02/11/01016-20150211ARTFIG00265-vigipirate-les-francais-se-mobilisent-pour-chouchouter-leurs-soldats.php

Aucun commentaire: