mardi 30 décembre 2014

Centrafrique : la France passe le relais à l’ONU

Pour les militaires français en opérations extérieures, les fêtes de fin d'année c'est à minima : un repas amélioré et quelques colis. Ils sont 8500 mobilisés en ce moment sur différents théâtres d’opération. 2000 en Centrafrique. Une mission baptisée Sangaris et entamée il y a un an et qui évolue. La France veut la transférer ces prochains mois à la force des Nations Unies sur place.
Le quartier Fatima de Bangui, un quartier musulman mais à la lisière d'un secteur chrétien. Il y a un an, les affrontements ont été, ici, très meurtriers. La patrouille ce matin-là se fait conjointement avec des soldats de la MINUSCA, la force des Nations Unies. Avant le départ à pied, les deux chefs s'accordent autour de la carte du quartier dépliée sur le capot d’un de leurs véhicules. "Je vous propose qu’on débute en prenant cette artère que vous voyez ", dit l’un. "D’accord, mais ensuite on tournera là", répond l’autre.
Pour la force française, c'est le lieutenant Paul qui dirige cette patrouille, posté derrière les hommes aux casques bleus.
"C’est le chef de ce groupe de la Minusca qui dirige. Nous restons toujours derrière accessibles visuellement. Lui décide quand il veut que l’on fasse un arrêt pour prendre des renseignements avec des habitants, ou un chef du quartier. Nous sommes là pour lui en appui, en soutien", explique le lieutenant. Il y a un an quand les soldats français sont entrés dans ce quartier pour tenter de désarmer, ils n'ont pas reçu le meilleur des accueils. Aujourd'hui, selon le lieutenant Paul, les choses se normalisent. "On vient si souvent ici que les habitants ont fini par nous connaître. Certains petits garçons nous appellent en disant notre grade et notre nom. C’est assez sympathique. Malgré tout, nous restons vigilants", dit le lieutenant Paul.

Le développement du banditisme

Au fil des mois, les taxis reviennent dans le quartier. Les habitants ressortent. De nouvelles échoppes ont ouvert. Tout le monde espère pour bientôt le rétablissement de l'électricité et la réouverture de l’école. Mais pour autant la peur n'a pas disparu. Car si les affrontements confessionnels se sont apaisés, le banditisme s'est développé : racket,  braquage. "J’ai peur des bandits de grand chemin qui possèdent des grenades, des kalachnikovs et même des obus. A 20 heures, tout le monde rentre chez soi et plus personne ne sort. Tout le monde craint que ces voyous ne viennent nous attaquer et nous prendre tout ce que nous avons", raconte Ludovic 34 ans. Eric, 27 ans non plus n'a pas retrouvé complètement sa sérénité mais il veut croire que son pays est sur le bon chemin : "Moi je pense que le désarmement complet serait la bonne solution. Car nous sommes une très grande majorité à vouloir la paix ici. Beaucoup de monde à Bangui a vécu l’horreur il y a un an, a vu ses parents ou ses enfants tués sous ses yeux. Et pourtant nous pensons que l’heure est à la réconciliation. Il faut une grande réconciliation nationale pour nous pardonner les uns les autres et redonner une chance à notre peuple qui a su être uni pendant des années avant cette guerre".

Plus de police ni de justice

L’un des gros problèmes c’est que la police et la gendarmerie centrafricaines ont été dépouillées au cours des affrontements l'an passé. Elles n'ont plus d'arme, plus d'uniforme, parfois  plus de bâtiment. Il faut tout reprendre. Certains policiers ou gendarmes ont un temps infiltré des milices. Il serait problématique de les réarmer. Les autorités judiciaires aussi sont à genoux. Il y a une prison, mais les conditions de vie y sont déplorables et les évasions régulières.
Autre gros chantier : la reconstruction des infrastructures. C'est l'une des missions que se sont donnés les soldats européens de la force EUFOR. Ils sont environ 500. Nous montons dans l'un de leurs véhicules. Ce sont des soldats italiens. Ils reconstruisent en ce moment un pont détruit depuis des mois. C’est un pont métallique entre deux des quartiers : l'un musulman l'autre chrétien. "Ce projet est 100 % européen : c’est le génie italien qui le monte. Il a été fabriqué par la Pologne, fourni par  République tchèque et transporté par l’Allemagne", explique le lieutenant colonel Mario Renna, chef de ce contingent.

En brousse, toujours des exactions

Les habitants des environs, en découvrant la banderole qui annonce la reconstruction de ce pont, se disent ravis. "J’ai des amis et de la famille dans ce quartier. Mais aujourd’hui c’est un casse-tête pour venir les voir. Je prends un premier taxi. Je l’arrête, je traverse la passerelle piétonne, puis je dois reprendre un deuxième taxi. Quand le pont sera construit, là ce sera beaucoup plus simple. Il y aura moins de détours, moins de kilomètres à faire. Ce sera comme un pont de la réconciliation en plus", se félicite Célestine, une jeune maman.

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