IMMERSION. Soldats blessés au combat, civils victimes d'incendies ou d'accidents domestiques, les patients conduits à l'hôpital militaire toulonnais ne sont pas seulement sauvés. Ils sont reconstruits.
Des notes bleues pour garder le rythme. Pas du swing mais du jazz-fusion, « un peu crispant », qui facilite la concentration. Eric Dantzer, « patron » - il dit plutôt « responsable » - du centre des traitements des grands brûlés à l'hôpital Sainte-Anne de Toulon, opère en musique.
« Pas d'allergie à signaler ?». Immuablement, il repose les mêmes questions avant de jouer du bistouri et du scalpel. C'est la procédure. Cette jeune étudiante de vingt et un ans, il la connaît pourtant depuis qu'elle a... trois ans. Victime d'un attentat, elle a déjà été opérée « un nombre incalculable de fois ». Objectif : lui redonner visage humain.
Cette fois, le chirurgien lui redessine le lobe de l'oreille, reforme une narine, retrace l'arc de Cupidon, sur la lèvre supérieure. Délicates retouches, à base de greffes et de lambeaux de peau saine. Il reste des cicatrices mais « aujourd'hui, cette jeune femme a une vie sociale ». Eric Dantzer envisage, un jour, de lui « refaire tout le visage ».
Dans ces parcours chirurgicaux au long cours, le défi, complexe, n'est pas « de changer l'apparence mais de reconstruire quelque chose qui n'existe plus ». Le médecin en chef « ne pourra jamais effacer le passé ». En revanche, il peut aider les grands brûlés à préparer« leur avenir social, familial et professionnel ».
Le corps, ami, ennemi
Le corps des patients est son ennemi. Le praticien doit empêcher les cellules, les myofibroblastes, « de fabriquer du collagène de manière anarchique » : des boursouflures, des déformations qui enlaidissent et compliquent les mouvements. Eric Dantzer et son équipe médico-chirurgicale, mêlant réanimateurs et chirurgiens, doivent donc « supprimer le tissu brûlé dans la première semaine après la blessure profonde, avant que les cellules ne se modifient ». Dans cette spécialité, mieux vaut prévenir que « gérer les complications ».
Mais le corps des patients est aussi son ami. Il fournit souvent la quantité de peau saine nécessaire, prélevée sur les zones préservées du feu. Et si ce n'est pas toujours possible, le « derme équivalent » vient alors à la rescousse.
Cette fine pellicule de collagène, mise au point en 1989, va permettre de recouvrir la partie brûlée, « comme on reconstruit les fondations de la maison ».
Une partie profonde de la peau revascularisée en trois semaines, comme si un buvard avait été collé sur l'organisme humain. Viennent ensuite les greffes pour reconstituer l'épiderme.
Trois mois plus tard, apparaissent les premiers plis naturels. La peau retrouve son élasticité... naturelle.
Sainte-Anne est en pointe dans la pratique de cette technique et Eric Dantzer est l'un des précurseurs qui l'ont développée dans notre pays. Certains patients viennent de très loin pour se faire soigner dans son centre. Un savoir-faire qui vaut au centre de traitement des brûlés toulonnais d'être sollicité par un laboratoire pour « mettre au point un derme ».
Des innovations précieuses pour les soldats brûlés à la guerre. « Il faut assurer à ces hommes qui font le sacrifice de leur vie que des personnels formés et compétents peuvent les assister ». Des progrès qui - dans les faits - profitent surtout aux civils, victimes pour la plupart d'accidents à la maison. « 75 % des brûlures sont domestiques »,rappelle Eric Dantzer. Casserole renversée, jeu dangereux avec les robinets de la salle de bain : en 2014, « L'eau brûle plus que le feu ».
http://www.nicematin.com/toulon/a-lhopital-sainte-anne-de-toulon-la-resurrection-des-grands-brules.1722207.html
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