mercredi 30 avril 2014

A l’Est de l’Europe, la "police de l’air" est française

Les Rafale ont décollé mardi pour la première fois en Pologne, dans le cadre de la mission de surveillance de l’espace aérien balte que la France vient de débuter, sur fond de crise ukrainienne.
Près du grand hangar de la base militaire de Malbork, au nord de la Pologne, le Rafale fait office de décor, derrière le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Avec une soixantaine de soldats, quatre de ces avions de chasse sont arrivés cette semaine sur le sol polonais pour participer à une mission de surveillance de l’espace aérien des pays baltes – Estonie, Lettonie et Lituanie. Deux des appareils ont même décollé mardi pour la première fois à l’occasion de la venue du ministre.
Si l’Otan coordonne cette "police de l’air" depuis dix ans dans ces trois Etats, dépourvus de défense aérienne, la crise ukrainienne a changé la donne. Face à la pression du voisin russe, l’Alliance transatlantique a demandé un renforcement de ses positions à l’Est du continent. La France a répondu présente au mois de mars pour une mission qui doit durer quatre mois, du 1er mai au 31 août. Au total, ce sont une quinzaine d’appareils des membres de l'Otan qui seront déployés, quatre fois plus qu’en temps normal.

"On n’est pas là pour se battre contre les Russes!"

L’Europe connaît "la crise la plus importante depuis la fin de la guerre froide", a justifié Jean-Yves Le Drian, en présence des soldats français et polonais, du président Bronislaw Komorowski et de son homologue à la Défense Tomasz Siemoniak. Pour la France, il s’agit ainsi d’une opération de "réassurance" pour témoigner de sa solidarité à l’égard de ses partenaires orientaux. Mais aussi de "dissuasion", afin "d’éviter toute intervention néfaste de la Russie" voisine, selon le ministre français de la Défense. A Malbork, l’enclave russe de Kaliningrad n’est en effet située qu’à une heure de route.
Et même si les Occidentaux n’ont officiellement enregistré aucune intrusion récente des forces de Moscou dans le ciel de la Pologne et des pays Baltes, le déploiement de ces renforts fait passer un message au Kremlin. "Nous sommes dans un fonctionnement militaire normal d’appui à des pays situés à côté d’une zone de crise. Nos alliés ont besoin d’avoir un sentiment de sécurité", explique-t-on dans l’entourage de Jean-Yves Le Drian.
"On n’est pas là pour se battre contre les Russes!", prévient néanmoins le chef d’état-major de l’armée de l’air, Denis Mercier. "Le contexte géopolitique a changé, ce qui fait que nos hommes sont d’autant plus vigilants, mais la mission reste exactement la même". "En ce sens, notre présence n’est en rien une provocation", complète le lieutenant Yann Malard, chef du détachement air et également l’un des cinq pilotes présents mardi à la base de Malbork.

"Le souhait de la désescalade"

Dès cette semaine, lui et les Rafale seront prêts à intervenir 24h/24, à la moindre alerte dans le ciel des pays baltes. Chaque sortie s’effectuera avec deux avions de chasse, pour une patrouille d’1h à 1h30. Le reste du temps durant lequel ils ne composeront pas la "police de l’air", les appareils participeront à des exercices d’entraînement au-dessus de la Pologne. Le coût de la mission est estimé selon le ministère de la Défense "à quelques millions d’euros", bien loin des dépenses des opérations Serval et Sangaris en Afrique.
La France a par ailleurs complété son renfort en Europe de l’Est avec l’avion-radars Awaks, qui effectue depuis deux semaines des vols au-dessus de la Pologne et Roumanie. Paris serait également sollicité par les Etats-Unis et les pays de la région pour mobiliser des moyens supplémentaires, notamment maritimes. Une nouvelle dégradation de la situation ukrainienne pourrait forcer les autorités à revoir rapidement leurs plans. "Nous n’en sommes pas là", a toutefois évacué mardi Jean-Yves Le Drian. "Dans cette affaire, il faut allier fermeté et responsabilité. La fermeté, ce sont les sanctions et la présence militaire que nous manifestons ici. La responsabilité, c’est le souhait de la désescalade, ce qui veut dire notamment la libération des observateurs de l’OSCE", retenus depuis la semaine dernière à Slaviansk, un des bastions des rebelles pro-russes de l’Est ukrainien.
Les Occidentaux espèrent désormais que l’élection présidentielle prévue en Ukraine le 25 mai puisse se dérouler dans de bonnes conditions. Dans l’entourage du ministre de la Défense, on reconnait le caractère "imprévisible du déroulé des événements". Tout en soupçonnant Moscou maintenir une situation de tension jusqu’à cette échéance électorale.
 

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