samedi 1 mars 2014

Centrafrique: espoir et doute à Bangui après la visite de Hollande

"Ange gardien" ou chef militaire d'une opération "vouée à l'échec": au lendemain de la visite du président français François Hollande à Bangui, les réactions étaient partagées samedi en Centrafrique où les violences persistent trois mois après le début de l'intervention française.
"Le président François Hollande a redonné l'espoir à tous les Centrafricains. Et il a prouvé qu'il est vivement préoccupé par la situation centrafricaine en risquant sa vie, parce qu'il est venu alors que la paix n'est pas totalement restaurée", estime Alfred Kongala, un étudiant de la capitale.
"C'est notre ange gardien", renchérit un commerçant, Serge-Théophile Gouengali. "Il a ordonné une intervention militaire au moment où on ne savait pas quel était notre sort. Et il vient constater l'évolution de la situation, c'est un réconfort très important".
Au cours de sa deuxième visite en Centrafrique depuis le déclenchement de l'intervention française ("opération Sangaris") le 5 décembre, M. Hollande, qui venait saluer les militaires français, a rencontré la présidente de transition Catherine Samba Panza et les autorités religieuses du pays.
Solidement escorté, le chef de l'Etat français s'est déplacé dans les rues de Bangui, traversant certains quartiers dangereux comme pour montrer que la situation s'était améliorée.
"La vie a repris, les commerces ont rouvert, l'activité est là" même "s'il reste beaucoup à faire", a-t-il souligné vendredi soir.
La France a pourtant dû réviser ses objectifs initiaux, en envoyant 400 soldats en renfort des 1.600 déjà présents et en prolongeant une opération qui se voulait courte, le gouvernement reconnaissant que les troupes étaient confrontées à des "difficultés considérables sur le terrain".
Samedi, trois ex-rebelles de la Séléka ont été tués par balle et un autre grièvement blessé à Bangui lors d'une nouvelle attaque, alors qu'ils circulaient en taxi pour rejoindre un des derniers quartiers musulmans de la ville.
Le bilan global des victimes est difficile à établir. Cette semaine, la Croix-Rouge centrafricaine avait déclaré avoir ramassé 1.240 corps à Bangui depuis le 5 décembre.
Mais le total des morts est plus élevé: certains cadavres disparaissent, d'autres sont directement récupérés par les familles.
Quant au niveau de violence en-dehors de Bangui, il est sûrement élevé même si les informations sont maigres.
A Berberati, ville minière du sud-ouest, des échanges de tirs ont opposé vendredi des soldats de la force de l'Union africaine (Misca) à des miliciens anti-balaka qui refusaient d'être désarmés, selon une source de la gendarmerie centrafricaine, affirmant qu'"au moins" 17 musulmans y ont été tués par les anti-balaka depuis début février.
Face à la persistance des violences et des pillages, doutes et inquiétudes sont palpables dans la capitale centrafricaine.
"Près de 8.000 soldats (2.000 Français et 5.700 Africains de la force Misca) pour sécuriser uniquement Bangui, avec une population de 800.000 habitants, et cela dure depuis plus de deux mois, c'est un résultat mitigé", affirme Joseph Bendounga, ancien opposant au régime de François Bozizé et ministre du précédent gouvernement de transition.
"Ce que la France est en train de faire en Centrafrique est voué à l'échec (...) M. François Hollande continue à agir comme les autres présidents français. Ils agissent en chefs militaires, alors que la crise centrafricaine est politique", ajoute M. Bendounga.
- On a "évité le pire" -

Cela fait bientôt un an que la Centrafrique a basculé dans le chaos, depuis le renversement en mars 2013 du régime Bozizé par la coalition rebelle à dominante musulmane de la Séléka.
Des mois d'exactions perpétrées en toute impunité par ses combattants contre la population majoritairement chrétienne ont abouti à la formation de milices d'autodéfense anti-balaka, déclenchant un cycle infernal de violences interconfessionnelles.
Ces violences ont provoqué une crise humanitaire sans précédent, avec des centaines de milliers de déplacés internes et l'exode de dizaines de milliers de civils musulmans terrorisés.
Pour Juste-Roland Angbapa, juriste, "le président Hollande et la France nous ont fait éviter le pire. Les massacres étaient déjà en cours" lorsque l'opération Sangaris a démarré.
"C'est désormais à la classe politique centrafricaine de prendre ses marques et de s'intégrer dans le processus de transition en cours", juge Enoch-Dérant Lakoué, ancien Premier ministre du président André Kolingba.
Vendredi, François Hollande a fixé le prochain cap: "Maintenant l'enjeu, ce n'est même pas de rétablir, mais d'établir l'Etat" et pour cela "il faut commencer par payer les fonctionnaires", a-t-il souligné.
Fonctionnaires et membres des forces de sécurité ne sont plus payés depuis des mois, un phénomène récurrent dans l'histoire troublée de la Centrafrique.
Selon M. Hollande, les salaires seront rapidement versés grâce à une aide des pays de la région.

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