dimanche 5 janvier 2014

Centrafrique. Après un mois de présence française, l'impatience grandit

Cela fait un mois que l’opération Sangaris est lancée en Centrafrique, et déjà certains observateurs parlent d’enlisement, d’autres de manque de moyens, mais côté centrafricain, c’est surtout l’impatience qui prime, alors que Bangui est toujours le théâtre de nombreuses violences.
En visite à Bangui jeudi, le ministre de la Défense français Jean-Yves Le Drian a défendu l’opération. Tout en reconnaissant la difficulté de celle-ci, il a raillé les «analystes autoproclamés» qui brandissent le risque d’enlisement, s’appuyant sur le succès récent du Mali. «Heureusement que nous n’avons pas écouté les experts», a-t-il déclaré devant ses soldats.
L’intervention de l’armée française, le 5 décembre dernier au lendemain d’une journée sanglante dans la capitale centrafricaine, a suscité un espoir immense au sein d’une population épuisée par un cycle infernal de représailles entre milices chrétiennes et ex-rébellion Séléka. Mais dans le gigantesque camp de déplacés de l’aéroport de Bangui, où s’entassent plus de 100 000 personnes, l’attente se transforme parfois en exaspération : «Dans ce tout petit Bangui, avec ces tout petits mercenaires étrangers, Sangaris ne peut pas régler le problème en deux jours avec ses chars ? Donnez-nous des armes, on va s’en occuper, nous !», s’indigne Yaketé Souvenance, un déplacé de ce camp où ne vivent que des chrétiens. Situé sur une zone ultrasensible, le camp est une poudrière où la tension monte à tel point que l’ONG Médecins sans frontières, qui avait installé un hôpital improvisé, a dû en retirer ses expatriés. Sans compter que les distributions de vivres sont régulièrement ajournées.

Relancer le dialogue avec les musulmans

L’une des missions principales de la force Sangaris, le désarmement, est au cœur des débats. La tâche est colossale, presque irréaliste, dans une capitale où les armes ont déferlé depuis l’arrivée de l’ex-rébellion Séléka en mars.
«Le désarmement n’a pas eu lieu
[…] Une partie des Séléka se sont réfugiés dans les casernes. Quant aux anti-Balaka, même si on leur enlève les kalachnikovs, ils continuent à se battre à la machette», explique Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) en charge de l’Afrique. Dans les quartiers musulmans, la rumeur court que la France soutient les chrétiens au détriment des civils musulmans, régulièrement victimes de lynchages en pleine rue et en plein jour. Sur les murs du «PK 5», près de l’aéroport, les inscriptions «Non à la France» succèdent aux «Sangaris assassins». Les tentatives françaises d’installer des points fixes dans ces quartiers ont abouti à des manifestations sauvages de riverains hostiles, installant des barricades enflammées. Pour l’heure, les violences continuent. Le problème, selon Philippe Hugon, c’est qu’il s’agit «d’une opération de maintien de l’ordre urbaine, de police et de gendarmerie. Ce n’est pas avec des chars et des hélicoptères qu’on règle ça, aussi bien entraînée que soit l’armée».

http://www.ladepeche.fr/article/2014/01/05/1788161-centrafrique-apres-un-mois-de-presence-francaise-l-impatience-grandit.html

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