mardi 22 octobre 2013

Quelle vie après l’armée ?

En vingt ans, le département de l’Aisne a subi une profonde saignée de ses effectifs militaires. Seul subsiste aujourd’hui le très spécifique centre d’entraînement en zone urbaine de Sissonne. Ailleurs, les reconversions se font avec plus ou moins de bonheur. Malgré ses efforts de revitalisation, La Fère continue de payer le prix fort.
L’hémorragie a été terrible. Depuis 1993, cinq des six casernes axonaises ont fermé leurs portes, laissant des agglomérations orphelines et exsangues. La Fère a perdu très gros lors de la dissolution du 41e RAMa. 800 appelés et 400 cadres ont déserté le centre d’une ville soudainement mortifiée.
« Ce qui nous est arrivé, je ne le souhaite à personne. On ne s’en est jamais remis », indique Raymond Deneuville, maire de la Fère depuis 1989. L’emprise des bâtiments militaires, casernes et arsenal, est colossale : « on estime que cela représente les trois quarts de la surface de la ville ». Relancer l’économie et restructurer l’espace urbain n’est pas un défi, mais une nécessité vitale.
Avec le soutien financier de l’Etat, du Département et de la Région, Raymond Deneuville se doit de repenser et remodeler sa ville en intégrant les bâtiments existants, ou ce qu’il en reste, « mais il y a toujours 30 % du coût qui reste à notre charge ».
« On a racheté les bâtiments petit à petit, morceau par morceau. L’armée est partie en vandalisant les bâtiments, les fils étaient coupés, les interrupteurs arrachés. Des bâtiments pouvaient être tout de suite occupés, mais il n’y avait plus que quatre murs », se souvient l’édile qui évalue à 100 millions de francs le coût des opérations concernant la rénovation des bâtiments. La Ville s’occupait de la rénovation, le Département prenait en charge l’achat et la voirie. Car il a fallu ouvrir le site militaire à la ville, abattre les murs d’enceinte… Des bâtiments ont été rasés, des portes détruites et des ponts construits. Seuls les vestiges des fortifications Vauban ont été préservés.
Quinze ans de travaux ont été nécessaires pour intégrer les bâtiments de la caserne et de l’Arsenal et les rendre fonctionnels. Si la Fère est la ville la plus pauvre du département (25 % de chômage), elle présente aujourd’hui une facture architecturale très… militaire.
Les belles pierres sont légions et la stature des édifices est à l’image de la place d’arme : des perspectives fuyantes, des traits rectilignes, comme un artilleur le doigt sur la couture. « Autant j’ai gardé les traces extérieures du passé, autant à l’intérieur tout est rénové ».
Et derrière l’architecture se cache des équipements fonctionnels « à moindre coût », précise Raymond Deneuville, « un projet à 1 million, on le réduisait à 500 000 € ». En 1997, à l’ouest de cette imposante et monumentale place d’arme, s’ouvre une maison d’accueil spécialisée. En 2000, une circonscription d’action sociale du département (CIPAS) intègre également l’édifice. « Plus de 80 emplois ont été créés », indique Raymond Deneuville. Le bâtiment des Prussiens, construit dans le même moule, accueille une quarantaine de logements.
Derrière, le gymnase des militaires s’est transformé en boulodrome. L’ancien mess, un bâtiment de plain-pied, a été aménagé en salle polyvalente, bibliothèque, cantine pour les enfants et salle informatique et enfin, les anciens ateliers techniques accueillent un centre pour travailleurs handicapés. L’Arsenal, au nord de la ville, a été quant à lui partionné en ateliers accueillant artisans et PME. Un plus économiquement, puisque « l’armée ne payait rien, elle faisait vivre les commerces, c’est tout. »
Le dernier caillou dans la botte du maire, c’est le château, occupé jusqu’en 2012 par le mess des officiers de Couvron, et vendu aujourd’hui pour 1 € symbolique : « Nous avions un projet d’hôtel-restaurant et musée, mais le partenariat public privé fait marche arrière. La rénovation est estimée à 10 millions.  »
Après quinze ans à jouer au grand architecte, la poudre a pris un peu l’eau : « En 15 ans, on a remodelé le paysage sans compter notre temps, mais c’était vraiment vivifiant », témoigne le maire. « Maintenant, je m’ennuie un peu… »


http://www.aisnenouvelle.fr/article/departement/quelle-vie-apres-l%E2%80%99armee

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