Drakkar. Deux syllabes qui roulent et se cassent en une explosion. Drakkar. Le surnom d’un immeuble de huit étages, d’un poste français où s’est installée depuis environ un mois la 3e compagnie du 1er Régiment de chasseurs parachutistes, à Beyrouth. Ce qui les a conduits là ?
Septembre 1982… Dans ce Liban multiconfessionnel miné par la lutte armée palestinienne, déchiré par la guerre civile, écartelé par ses encombrants voisins syriens et israéliens, l’ONU se décide à mettre en place une force de maintien de la paix : la Force multinationale de sécurité à Beyrouth (FMSB).
La situation est alors inextricable. En juin juillet, les Israéliens ont envahi le pays puis cerné l’ouest de la capitale, prenant au piège Yasser Arafat et ses troupes. En août, à l’appel du gouvernement libanais, Français, Américains et Italiens se sont déployés pour s’interposer et sécuriser le départ des Palestiniens armés. Mais les civils sont restés. Le crime se déroule du 16 au 18 septembre. Durant deux jours, les phalangistes chrétiens massacrent les réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila pour venger l’assassinat du président Bachir Gémayel par un membre du parti syrien… C’est le terrible contexte dans lequel prennent place 2 000 soldats français, 1 600 Américains, 1 400 Italiens et une centaine de Britanniques.
Pour les Syriens, qui considèrent le Liban comme une chasse gardée, ces soldats de la paix sont des intrus. Des ennemis même pour l’Iran, en guerre contre l’Irak, qui outre son contentieux nucléaire avec la France, reproche à Paris d’armer Saddam Hussein. Syriens alaouites et Iraniens chiites sont traditionnellement alliés contre les pays occidentaux pour défendre leurs intérêts de puissances régionales. Enfin, le Hezbollah est en train de naître. Ce sera leur bras armé à l’intérieur du Liban.
Huit jours pour retirer les corps
Le 23 octobre 1983, l’attaque est dévastatrice. à 6 h 18, un camion piégé anéantit le QG américain à l’aéroport de Beyrouth et fait 241 morts dont 220 marines. Deux minutes plus tard, alors que les parachutistes français alertés par l’explosion voient s’élever le lourd panache de fumée au sud de la ville, c’est leur poste Drakkar qui est pris pour cible et s’effondre sur ses occupants.Du monstrueux amas de béton, il faudra plusieurs jours aux secouristes pour retirer les corps de 58 militaires, 55 parachutistes du 1er RCP et trois du 9e RCP, bilan auquel s’ajoutent 15 blessés. Seuls 26 soldats s’en sortiront indemnes, mais marqués à vie, dévastés.
Ces hommes ? Encadrés par des professionnels, des officiers et sous-officiers aguerris, ce sont pour la plupart des appelés d’une vingtaine d’années qui ont signé pour un service long et se sont portés volontaires pour le Liban.
Dès le lendemain, le président français François Mitterrand est sur place pour soutenir le contingent français. Moins d’un mois plus tard, les Super-Etendard du Clemenceau répliqueront contre une caserne de gardiens de la révolution islamique et du Hezbollah, dans la plaine de la Bekaa contrôlée par les Syriens.
Cérémonie d'hommage
Depuis ? Trente années ont passé. Historiquement liée au Liban depuis 1920 et la création du Grand Liban, la France est toujours présente pour la paix, avec un bataillon de 850 hommes au sein de la Finul, la force de casques bleus déployés au sud du pays, secteur où les Tarbais du 1er Régiment de Hussards Parachutistes étaient déployés jusqu’en mars dernier.Trente années ont passé… mais dans le regard des survivants, des familles des victimes, les séquelles de l’effondrement du Drakkar n’ont jamais disparu. Ni les questions. Le Hezbollah a le premier revendiqué l’attentat ainsi que le mouvement de la révolution islamique libre. Mais, chez les survivants, on sait aussi que Drakkar avait été précédemment occupé par les services secrets syriens qu’ils soupçonnent de l’avoir piégé.
Lundi 14 octobre, à l’invitation du ministre délégué aux Anciens combattants Kader Arif et grâce à leur association, ils sont allés sur le site du Drakkar puis ont assisté dans l’enceinte de la résidence des Pins, résidence de l’ambassadeur de France à Beyrouth, à la cérémonie d’hommages aux victimes de l’attentat. Ayant déposé avec le ministre une gerbe blanche au pied du monument, Crispine Di Masso, dont le fils Thierry avait 19 ans, a pensé «à toutes les autres familles, à ce moment-là, car certaines ont malheureusement disparu». Un moment d’émotion intense, pour elle comme pour toute la délégation. «Mais ça m’a soulagé la reconnaissance de la Nation et l’accueil ici», ajoute-t-elle.
Aujourd’hui, trente ans après, jour pour jour, c’est ce matin à Pamiers où en 1999 ont fusionné le «1er Para» et le 9e RCP, que le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian et le ministre délégué aux Anciens combattants Kader Arif réitéreront cet hommage de la France en présence des représentants des familles et des survivants. Cinquante-huit morts… Jamais depuis l’armée française n’a eu à déplorer autant de tués sur une seule attaque. Le traumatisme ne s’est pas effacé qui résonne toujours aujourd’hui, avec l’actualité, dans ce Liban fragilisé par la guerre en Syrie.
http://www.ladepeche.fr/article/2013/10/23/1737567-attentat-drakkar-58-paras-pamiers-tues-liban-50-ans.html
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