samedi 14 septembre 2013

Les yeux de la grande muette

Alep et Damas (Syrie) comme si on y était. Au cœur de la Direction du renseignement militaire (DRM) de Creil, les images du satellite Pléiades sont d'une précision redoutable. Blindés dissimulés derrière des blocs de maisons, routes coupées, incendies. Les militaires discernent parfaitement les rues d'Alep en proie à l'une des plus terribles guerres civiles de l'histoire de l'Humanité. « La précision est à moins d'un mètre », estime l'un des spécialistes en imagerie de la DRM. Les militaires affirment en revanche ne pas pouvoir préciser si les tirs qu'ils repèrent proviennent d'armes chimiques ou non. Dans ce service spécialisé dans la surveillance des points chauds du globe, le « secret défense » impose aux militaires d'en dire le moins possible.

À un autre bout de la pièce, des écrans figent les images de la centrale nucléaire de Bushehr et du centre spatial de Semnan en Iran. Maillon indispensable pour toute intervention sur un théâtre de conflit, la DRM a également joué un rôle primordial dans l'engagement de l'armée française contre les insurgés au Mali. Et chaque matin, c'est elle qui fournit une note de synthèse sur les zones sensibles de la planète au ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.

« Le renseignement c'est les yeux et les oreilles de la France », a expliqué hier matin le ministre lors d'une visite de ce site habituellement fermé à la presse. Soulignant que « le renseignement est un outil irremplaçable pour l'anticipation, la planification et l'action militaire », Jean-Yves Le Drian a annoncé une consolidation des moyens (satellites MUSIS en remplacement des systèmes Hélios, drones d'observation) avant la fin de l'année. « Un effort conséquent malgré le contexte financier », a précisé le ministre, affirmant que grâce à la DRM la France dispose de son « autonomie » sur le plan du renseignement.
 

Un appui aux opérations
 

Chaque jour, les spécialistes en imagerie et en signaux électromagnétiques de la DRM orientent leurs yeux et leurs oreilles, des capteurs (satellites, avions Rafale, navires spécialisés), à la demande des états-majors. Les données sont ensuite classées dans des fichiers et sur des cartes qui renseignent les forces en opération, configuration du terrain, liens entre réseaux suspects, etc. Plus il y a de points sur la carte, mieux la zone est renseignée. « L'imagerie satellite permet, par exemple, de réaliser une maquette grandeur nature pour s'entraîner à rentrer dans une maison », explique l'un de ces militaires.

Les photos peuvent également avoir été prises avec un simple appareil numérique par l'un des militaires du 13º régiment de dragons parachutistes dont une unité séjourne actuellement à Creil. « Les missions nous sont confiées par la DRM ou par le Commandement opérationnel spécial, confie l'un de ses cadres. Le but est de leur proposer une cible. » Au fil du temps, ces militaires infiltrés sont passés mettre dans l'art du camouflage. Comme dans la réalisation de cailloux en résine pour dissimuler leurs caméras, qu'ils ont aussi appris à miniaturiser.
 

PASCAL MUREAU
 
La CGT attend le ministre en embuscade
Une délégation des personnels civils CGT de la base de défense de Creil attendait Jean-Yves Le Drian devant les portes de la Base aérienne 110. « De nombreux personnels quittent le site et ne sont jamais remplacés », se plaint le syndicat, qui estime que 10 % de l'effectif de la base de défense locale pourrait à terme se retrouver sur le futur « Pentagone à la française » : le site de Balard à Paris. Signé le 30 mai 2011, cet énorme contrat de « PPP » (partenariat public-privé) vise à regrouper les services centraux et les états-majors de la défense actuellement dispersés. L'administration de la défense passerait de 17 500 à 16 000 personnes, dont 9 300 à Balard. La livraison du chantier devrait intervenir au premier trimestre 2015. Le ministre ne s'est pas arrêté pour entendre les doléances de la CGT, qui chiffre à 34 000 le nombre d'emplois de la défense en sursis.
 

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