vendredi 8 mars 2013

Berengère, lieutenant du "3" en Afghanistan

CHARLEVILLE-MÉZIÈRES (Ardennes). De plus en plus de femmes intègrent l'armée. Bérangère Gouté a fait ce choix il y a 5 ans. Parmi ses missions, l'Afghanistan en 2012 où elle a joué un rôle remarqué.
CELA peut paraître anodin ici. Mais ce matin de décembre 2011, dans un camp afghan de la vallée de la Capissa, le geste du lieutenant Bérangère Gouté a, au minimum, la force du symbole, peut-être presque quelque chose d'héroïque.
Devant des soldats afghans « estomaqués », la chargée de communication du 3e génie remet un diplôme à Gul, un des deux militaires qu'elle a formés.

« Faire ses preuves plus qu'un homme »
« Tu te rends compte de ce qu'ils viennent de voir », lui explique un des Français présents « une femme qui félicite un homme en public ! »
« Il faisait froid », se souvient-elle. « Nous étions en treillis. Tout le kandak (régiment afghan) était présent, le colonel français, l'équipe des mentors (qui forment et vivent à 100 % dans le kandak).
Et là, moi au milieu… Et un silence. »
Et des centaines de regards braqués sur elle.
Évidemment, cette jeune femme blonde aux yeux bleus a souvent senti des regards appuyés mais rien, d'octobre 2011 à avril 2012, qui ne l'empêche d'accomplir sa mission de chef d'équipe image c'est-à-dire « réaliser des reportages photo et vidéo sur tout ce qui se passait et les envoyer en France ». Toutefois au-delà de « la claque » prise par tout soldat dans un pays en guerre (entendre pour la première fois des tirs « hors exercice », voir des blessés, lutter contre le froid, vivre harnaché et sous tension), le lieutenant se posait des questions de femme : « J'avais une grosse appréhension. Je devais interviewer des hommes afghans, des autorités civiles, militaires.
Allaient-ils répondre à mes questions ? Allais-je devoir demander le concours d'un homme ? Finalement, je n'ai pas eu de problème. Pour eux bien avant d'être une femme, j'étais un militaire ».
Un des plus beaux compliments qu'on puisse faire à une femme soldat.
Car bien souvent en cas de doute, « on se remet en question parce qu'on est une femme. On a peur de passer pour un boulet ». Dans ces conditions, « parler entre filles » est salutaire.
Ce qui n'allait pas de soi dans ce camp de Taghab où vivaient seulement sept femmes sur 1 000 personnes.
En France, les effectifs féminins sont plus proches des 15 %. Pour autant, même si l'accueil est « très bon » et que « les mentalités ont évolué », « quand on est une femme, quel que soit le grade, il faut faire ses preuves plus qu'un homme, montrer que physiquement, on tient la route. »
Enfin, après 5 ans d'expérience et deux missions, en Côte d'Ivoire et en Afghanistan, « l'officier de la com' du régiment » est devenue « celle qui a fait deux opérations… Ça a tout changé ».


« Le choc des cultures »
Une des missions de l'armée en Afghanistan est de former des soldats autochtones : combat, logistique, mécanique, communication… C'est ce qu'on appelle le mentoring.
En cours de mandat, il a été décidé que le lieutenant Gouté et son équipe formeraient deux militaires afghans avec un renfort français de mentors.
Le chef du Kandak a choisi deux soldats : le sergent Wali et un militaire du rang, Gul. Le premier formé à la vidéo, le second à la photo.
Pour ce dernier, « on lui a appris à appuyer sur le bouton marche. On a été scotché de la vitesse à laquelle ils ont appris ».
« Gul ne disait pas un mot. Je n'ai jamais su si c'est parce qu'il était militaire du rang ou parce que j'étais une femme ».
Wali au contraire était « très curieux de la vie en occident » se souvient le lieutenant. « La mode, la musique (ils ont découvert Muse), les relations hommes femmes (à quel âge se marie-t-on ?)… Au fil du temps, une relation de confiance s'est créée. Ils écoutaient avec étonnement, un peu d'envie, c'était le choc des cultures sur pas mal de sujets ».
Après la formation et la remise de diplômes, le kandak a déménagé et les militaires n'ont gardé aucun contact.

Une vocation tardive
« L'armée est une vocation tardive née très progressivement. Jusqu'à 20 ans, je n'y ai pas pensé. Je n'étais ni guerrière, ni sportive ». La jeune Nordiste n'est pas non plus issue d'une famille de militaires.
Elle suit des études de langue puis de marketing et de communication et lors d'un stage dans un état-major de gendarmerie a « un coup de cœur pour l'armée de terre ».
Après quelque temps à l'aéroport Charles-de-Gaulle, elle décide de démissionner pour suivre trois mois de formation initiale à Saint-Cyr. Un choix qu'elle « ne regrette pas ».
D'abord très étonnée, sa famille exprimera finalement sa fierté.
Passée la curiosité des débuts, pas facile non plus de partager l'expérience avec les copines et de glisser dans la conversation « tiens, hier j'ai tiré au fusil d'assaut » ou « la semaine prochaine j'ai une instruction sur des explosifs ».
Néanmoins ses amies la soutiennent jusqu'en Afghanistan où elle reçoit pour son anniversaire un colis très fille : magazines féminins, chocolat et surtout une brosse fuschia Snoopy qui fera sensation dans les blocs sanitaires mixtes.
Les femmes n'étant pas assez nombreuses, là-bas, elles n'ont, en effet, pas d'espace réservé.
Engagée pour 5 ans, le lieutenant s'apprête à raccrocher dans quelques semaines avec une certaine appréhension à l'idée de retourner à la vie civile et de ne plus vivre dans un tel esprit de solidarité et avec autant d'adrénaline.
Mais c'est un choix familial : son conjoint, pilote dans l'armée de l'air, n'aura pas les mêmes facilités qu'elle pour se reconvertir dans le civil, explique-t-elle, et c'est aussi une autre vie de femme qui peut commencer


http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/berengere-lieutenant-du-3-en-afghanistan

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