jeudi 3 janvier 2013

Centrafrique : le dilemme de la France

Protéger ses ressortissants, et encourager le dialogue entre le président Bozizé et les rebelles du Séléka : telle est la tâche difficile de la France en République centrafricaine. Mais les insurgés accentuent la pression sur la capitale, Bangui.
Le commentaire fait, à la veille du Nouvel An, par Jean-Yves Le Drian sur la situation centrafricaine, illustre l'inconfort de la position française. "Nous avons deux missions. D'une part, faire en sorte que les protagonistes puissent se rencontrer, échanger, trouver les conciliations nécessaires", a déclaré le ministre de la Défense en marge de son déplacement à Kaboul auprès des troupes françaises. Et d'autre part, "assurer la sécurité de nos ressortissants". La menace que font peser les rebelles sur Bangui, la capitale, se fait de plus en plus précise. Mais l'avancée des insurgés du Séléka est aussi allée de pair, ces dernières semaines, avec le développement de tensions anti-françaises, savamment encouragées par un pouvoir aux abois et qui espérait trouver là un moyen de pousser Paris à intervenir.
En quelques semaines, la coalition rebelle du Séléka a pris le contrôle d'une large partie de la Centrafrique, en progressant à une vitesse fulgurante. Désormais aux portes de Bangui, ce mouvement composite réclame le départ du président François Bozizé. La rébellion a accru sa pression en dépit des appels au dialogue lancés lundi par la France, ancienne puissance coloniale, et des promesses de partage du pouvoir faites la veille par le président Bozizé. Les Etats-Unis, qui ont fermé leur ambassade dans la capitale, se sont dits mardi "très inquiets de la détérioration de la sécurité en Centrafrique" et ont appelé les rebelles à cesser leur avancée.
Les rebelles dénoncent des exactions contre leurs partisans
La situation est d'autant plus instable que la rébellion centrafricaine affirme vouloir prendre la ville de Damara, à 75 km au nord de Bangui, où les forces des Etats d'Afrique centrale présentes pour jouer un rôle stabilisateur ont établi un dernier verrou sur la route de la capitale. Le porte-parole de la coalition rebelle, Eric Massi, accuse le gouvernement de poursuivre ses "exactions" contre les sympathisants des rebelles à Bangui et de préparer une contre-offensive dans le nord pour justifier sa ligne dure. "Il ne fait plus aucun doute que la sincérité des promesses de François Bozizé (...) n'est pas réelle", a-t-il affirmé lundi tout en disant souhaiter l'intervention du président Hollande pour organiser un entretien téléphonique entre lui-même et François Bozizé.
La France a envoyé des renforts à Bangui et dispose de près de 600 hommes à l'aéroport pour une éventuelle évacuation des Européens. Paris a souligné à plusieurs reprises ne pas vouloir intervenir pour sauver le régime. Le Congo a annoncé pour sa part avoir envoyé 120 militaires à Bangui, qui agiront dans le cadre du mandat de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale.
Face à la pression des rebelles, la marge de manoeuvre de François Bozizé, à la tête depuis 2003 de ce pays de 5 millions d'habitants, paraît très réduite. A Bangui, de nombreux Centrafricains se sont massés lundi devant les banques pour la paie de fin de mois, se disant inquiets pour l'avenir et soucieux de la flambée des prix. L'opposition centrafricaine s'est quant à elle déclarée sceptique sur les concessions du président Bozizé. "Il fait des promesses et ne les tient pas", a déclaré le principal opposant, l'ancien Premier ministre Martin Ziguélé, plaidant pour un dialogue politique.

Aucun commentaire: