mardi 13 décembre 2011

Deux cents millions d'euros pour protéger des vies

Sissonne ne cesse d'attirer de nouvelles troupes venues s'exercer dans une ville spécialement construite pour simuler le combat urbain. Nous avons suivi, hier, des soldats écossais dans cette nouvelle cité, qui a déjà coûté une centaine de millions d'euros.

C'EST la guerre. Des armes automatiques résonnent. Une section de fantassins écossais se prépare à conquérir l'ancien village de Beauséjour, au camp de Sissonne. Un soldat porte une petite échelle métallique pour mieux se précipiter dans des ouvertures de bâtiments. Une cornemuse lointaine rythme leurs efforts.
Cette scène, nimbée de la fumée grise de fumigènes, s'est déroulée hier après-midi. Elle se répète, jour et nuit, pendant soixante-douze heures jusqu'à jeudi matin. Elle est pleine de réalisme, entrecoupée d'attente et de mouvements, de silence et de vacarme. Ce bruit est martelé par le jaillissement d'un hélicoptère Gazelle ou du passage des chenilles d'un blindé, solitaire et menaçant. Comme les Poilus avant eux, les troupes de sa très gracieuse majesté, cantonnée dans le Kent (1), se glissent dans une tranchée, utilisent le moindre abri pour se protéger et avancer.


Des tirs à balles réelles

Des observateurs filment le moindre mouvement des troupes, associant trois cent cinquante combattants.
Le Centre d'entraînement aux actions en zone urbaine (CENZUB) ne cesse d'attirer les uniformes de plusieurs pays. « Il y a eu 9.700 combattants en 2010 et 11.000, cette année », observe le colonel Hubert Legrand, le chef de corps.
Aux côtés des Anglais et des Allemands, il y aura même, en mai, deux cents hommes des Émirats arabes unis, équipés de blindés.
Le village de combat de Jeoffrecourt est unique en Europe. Il s'étend sur un kilomètre carré et abrite les installations d'une ville de cinq mille habitants. Un terrain de football, des immeubles, une grande surface, un cimetière, un commissariat forment un ensemble convaincant. Une réussite en béton, reliée par des rues goudronnées jalonnées d'abris à bus, qui a déjà coûté une centaine de millions d'euros et devrait en coûter le double jusqu'à 2020.
Sissonne ne cesse de s'étoffer, d'être plus près de la réalité d'un conflit en ville.


« C'est là que nous avons le plus de pertes. C'est un milieu cloisonné. Il y a en plus l'obscurité, les réverbérations, la fatigue », indique le colonel.
Dès la première semaine de janvier, un complexe de tirs à balles réelles va fonctionner. Des cibles télécommandées vont apparaître pour surprendre, aguerrir, nourrir des expériences.
« Le travail que nous faisons ici, c'est pour éviter que des nouveaux noms soient inscrits sur les monuments aux morts », souligne le colonel Legrand. Il insiste : « Ceux qui sont partis en Afghanistan nous disent que c'est à Sissonne qu'ils ont appris le mieux. »
La guerre n'exige pas seulement du courage, mais aussi des connaissances.

(1) Les Écossais sont près d'une centaine à combattre jusqu'à jeudi.

http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/deux-cents-millions-deuros-pour-proteger-des-vies
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