lundi 19 septembre 2011

Ce n'est qu'un au revoir mon général !

Il n’est pas très grand, mais trapu. Des mains larges, sourire à l’avenant. Le verbe est aisé, qui jamais dans les digressions n’égare le sujet initial, l’homme est affable, un air de bonhomie. "J’ai ce jeu-là", dit-il, mais une paupière se ferme à demi : "C’est pas un métier de consensus ; on ne rigole pas, là. À un moment, il faut que ça marche."
Cinq étoiles sur le képi, Elrick Irastorza a été, jusqu’au 1er septembre dernier, le patron. Général d’armée, chef d’état-major de l’armée de Terre, sommet d’un édifice aux degrés gravis en cinquante années, depuis le pensionnat des enfants de troupes, collège militaire d’Autun. "Ma mère avait une idée fixe, que je fasse comme un de ses cousins" et l’armée le pouvoir de donner à un môme sans le sou une scolarité. Modiste et maçon, les Irastorza expédient donc par le train leur rejeton de 11 ans en Bourgogne, une de ces terres dont il est un peu, faute d’appartenir à un lieu. Basque de filiation et de nom, mais né en Vendée et grandi sous l’uniforme, Elrick Irastorza a porté son paquetage au gré d’un monde froissé, poussé par son envie d’action. Avant de le poser dans l’Hérault, à Castries.

Du canapé, la vue embrasse les hauts fûts d’un bois de pleine ville bordant la maison. "On a acheté la villa le jour de l’anniversaire de notre fils, en 1995. Il avait 5 ans et sa sœur 6, raconte l’officier. Castries, c’est chez eux." Ce ne fut longtemps pour lui qu’une maison secondaire, elle est désormais sa retraite.
"Je voulais l’action"
Elrick Irastorza, militaire Le général est en “deuxième section”, c’est ainsi qu’on nomme son statut, à 61 ans, encore susceptible d’être rappelé durant les six ans à venir. Finis la ronde des affectations et les mille métiers dans la grande muette - "je les ai tous pratiqués" -, terminés les théâtres d’opération et les bureaux parisiens, racontés comme on lit un CV, à défaut d’en livrer la petite histoire, le sentiment. "Dans mon placard de lycéen, il y avait la photo de Bigeard", figure du héros et idéal de l’engagement pour son pays, dont il emboîta le pas à Saint-Cyr. Le garçon a un bac B, la première promotion du genre en 1968, il a fait lettres supérieures et il choisira les troupes de marines. L’armée de Terre par élimination, l’infanterie de marine en refus "de cette armée du corps blindé faisant face au pacte de Varsovie. Je n’envisageais pas de faire ce métier pour passer des heures à veiller sur le désert des Tatares. Je voulais partir, rallier un des régiments professionnels existant alors. Ils étaient deux, mais je pressentais qu’on arriverait à ça, tôt ou tard." Il participera grandement à le mettre en place.
Vannes, La Réunion, commandement du prestigieux 8e RPIma de Castres et des missions au Tchad, au Cambodge et en Côte d’Ivoire, des postes entre lesquels il gère, s’occupe de logistique et de ressources humaines, forme les jeunes officiers à l’École d’application de l’infanterie de Montpellier. Rentré d’Abidjan où il a commandé la force Licorne, il n’y a pas un recoin de la maison qu’il ignore, déjà trois étoiles au béret. Il en ajoute une quatrième, major général, et la dernière, mi-2008.
Il est alors le chef d’état-major de l’armée de terre "tombé dans un cycle qui a tout eu", philosophe-t-il. En trois ans, la nécessaire modernisation des matériels croise la mutation d’une armée réorganisée en bases de défense, fermant des régiments et rationalisant ses implantations. Une réorganisation - 23 000 postes supprimés -, en parallèle aux opérations libyenne, afghane et ivoirienne, notamment. Mais "la France ne peut se replier sur elle-même, plaide-t-il. Si elle n’apporte pas son écho à la marche du monde, de quel droit parlera-t-elle ?" La mort des soldats ? "Le militaire en accepte l’idée par anticipation, mais on ne s’y habitue pas." Comme aux Invalides cet été devant les corps des soldats français tués en Afghanistan. Ces dernières années, Elrick Irastorza a souvent écrit aux proches de ses hommes disparus. Maintenant, le stylo est allé à un autre. Et le général est rendu à ses livres et ses cartes, celles de ses randonnées.
http://www.midilibre.fr/2011/09/17/la-quille-du-cinq-etoiles,389142.php
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