mardi 3 mai 2011

Harmattan : 3 questions au Contre-amiral Philippe Coindreau, Commandant la Task Force 473

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Depuis le 19 mars les forces françaises participent aux opérations de protection de la population libyenne, dans le cadre de l’opération « Harmattan ». Le 31 mars, l’OTAN a pris le commandement des opérations en Libye qui ont pris le nom d’«Unified Protector ». Depuis un peu plus d’un mois, la France participe aux opérations avec l’armée de l’air qui opère depuis la métropole et La Sude en Crête, et une Task force aéromaritime, la TF 473, armée par quatre à cinq bâtiments de surface et un sous-marin, rassemblés au sein du groupe aéronaval constitué autour du porte-avions Charles de Gaulle et son groupe aérien embarqué.
L’opération Harmattan a démarré il y a un peu plus d’un mois. Quel bilan intermédiaire peut-on tirer pour la TF 473 ? Les objectifs fixés en début de mission sont-ils atteints ?

L’objectif de cette opération découle de la résolution 1973 des Nations Unies et comporte plusieurs volets : un premier volet qui est l’application d’une no-fly zone au- dessus du territoire libyen et des eaux territoriales, un deuxième volet que l’on a appelé « no fly-zone plus », qui concerne l’arrêt des activités des forces de Kadhafi menaçant la population dans les zones où est située la population libyenne, et puis un troisième volet qui est le volet de l’embargo maritime, un embargo sur les armes au départ de la Libye. La Task Force 473 est engagée dans ces 3 volets.

Elle a participé au premier volet pour détruire les moyens de contrôle aérien et les sites missiles de Kadhafi, afin de pouvoir appliquer cette no fly-zone , qui suppose de pouvoir intervenir au-dessus du territoire libyen et éliminer les menaces qui pèseraient sur nos forces. Donc nous avons été impliqués dans la partie « destruction des menaces ». En revanche aujourd’hui nous ne sommes pas impliqués dans la partie « surveillance de l’espace aérien » assuré en partie par l’armée de l’air française et des autre pays de l’OTAN. Nous nous consacrons à la deuxième partie du volet, la « no-fly zone plus », et nos moyens interviennent dans un cadre dynamique, ou de cibles identifiées, pour empêcher les forces de Kadhafi de bombarder leur population sur des villes comme Brega, Ajdabiya, Misrata ou encore Zintan dans la partie sud de Tripoli.

Les moyens navals sont également engagés dans la partie « no fly-zone plus » parce qu’ils ont une capacité à empêcher les forces de Kadhafi de transiter par voie maritime ou de faire le siège de la ville de Misrata par voie maritime, plus concrètement d’emmener des forces sur les lignes de front ou de bombarder depuis la mer les zones habitées par la population, ce que faisait Kadhafi avant que nous arrivions. Depuis que les forces navales sont engagées, non seulement ces actions ne se font plus, mais en plus les forces navales de Kadhafi sont restées définitivement dans leur port à une exception notable, puisqu’une vedette des forces de Kadhafi a appareillé et a été détruite par un moyen de patrouille maritime américain tout au début du conflit. Voilà à peu près où nous en sommes.

Le troisième volet, l’embargo maritime est lui géré par la force navale sous commandement OTAN dans le cadre de l’opération « Unified Protector ». Dans ce cadre là, la force navale française est en soutien associé. C'est-à-dire que la France apporte son soutien et partage l’information avec la force OTAN, mais ses missions ne l’amènent pas à s’impliquer directement dans cet embargo.

Kadhafi dispose d’une force maritime conséquente, pourquoi ne la détruisons-nous pas ? Est-elle surveillée de près ?

La coalition est parvenue à inciter la marine de Kadhafi à se replier sur ses ports principaux : Tripoli, Alkoun et Syrthe. Ces moyens maritimes ne sont actuellement pas directement menaçants pour la population. Les détruire ne rentre donc pas dans notre mandat. Cette force est surveillée mais pas « traitée ». Il en serait tout autrement si demain la marine de Kadhafi décidait de sortir de ses ports et redevenait menaçante vis-à-vis des populations civiles. C’est une force sur laquelle nous devons rester en permanence vigilants.

Le président Nicolas Sarkozy a annoncé un renforcement du dispositif Harmattan le 20 avril dernier. Le conflit risque de se prolonger, de durer dans le temps. Comment appréhendez-vous cette problématique au sein de la Task Force 473 ?

Je pense que la sagesse de tout militaire est de savoir que lorsqu’on débute un conflit, la fin n’est pas connue. Il faut pouvoir préparer les esprits à durer. L’expérience du Kosovo nous l’avait déjà montré : cette campagne avait été relativement longue et il avait fallu que les marins, dont l’aéronautique française, et les aviateurs français durent. On a eu l’espoir effectivement dans la première semaine de campagne d’ « Harmattan » qu’elle serait courte. On a la confirmation que nous avons un adversaire qui est intelligent, qui sait combattre, et donc on a une campagne qui s’avère longue.

Il faut donc gérer un certain nombre de sujets : le premier, c’est celui des relèves des bâtiments de l’escorte du porte-avions. Ils doivent être relevés régulièrement. Ce travail est fait avec l’état-major de la marine et l’état-major des armées pour qu’il y ait une continuité de l’effort, tant que cette campagne se prolonge et que les objectifs ne sont pas tous atteints. C’est plus difficile pour le porte-avions. C’est une pièce unique dans la marine, donc il faut durer à la fois sur les aspects techniques et personnels. Il faut faire quelques relèves ponctuelles, et pouvoir mettre en place tout un cycle de ravitaillement pour les munitions, le carburant, les vivres qui permettent de tenir dans le temps. Le carburant n’est pas un problème pour le porte-avions du fait de sa propulsion nucléaire, mais il a besoin de munitions, de carburéacteur et de pièces détachées pour les avions. Ce n’est pas à proprement dit une difficulté, mais ce sont plutôt des dispositions à prendre avec anticipation. Il faut aussi s’assurer que le mental des équipages est bon.

Ce que je souhaite, c’est que la Task Force 473 poursuive la mission aussi bien qu’elle l’a débutée avec le souci de l’excellence, le souci de bien s’intégrer dans la logique interalliée et interarmées essentielles dans cette opération, et puis préparer l’avenir pour que l’on puisse laisser à la Libye une situation qu’elle soit en mesure de gérer elle-même.
http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles2/harmattan-3-questions-au-contre-amiral-philippe-coindreau-commandant-la-task-force-473

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