vendredi 29 avril 2011

La France n’honore plus ses soldats morts

Le caporal-chef Alexandre Rivière avait 23 ans. Tué dans l’explosion d’une mine artisanale le 20 avril, il est le 56e Français mort en Afghanistan. Mardi, son corps a été rapatrié dans l’indifférence. On est loin de l’hommage populaire qui accompagne aux Etats-Unis ou au Canada le retour des militaires tués au combat. Une « indifférence » qui, selon le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Elrick Irastorza, « caractérise désormais le plus souvent la relation entre le soldat et la nation ». Et d’ajouter : « Nos soldats le vivent mal par rapport au sacrifice qu’ils consentent dans leur vie de tous les jours et bien sûr en opération. »

Liens distendus avec la population


Avec la suspension de la conscription, en 1997, et la professionnalisation des armées, les liens se sont distendus entre la population et les militaires. Comme si ces derniers ne faisaient plus qu’un métier comme un autre, avec des risques qu’ils sont payés pour assumer, loin des « héros » que la France mettait autrefois en avant pour renforcer la cohésion nationale. La société, qui fait d’un sportif, d’un pompier, d’un navigateur ou d’un humanitaire un exemple, ne suscite plus de héros militaires. Le fait divers a remplacé depuis longtemps le fait d’armes à la une des journaux. « La mort au combat était autrefois une mort glorieuse, elle est en passe de devenir une simple mort violente, voire douteuse », s’inquiète le général Irastorza.

« Plus que jamais, l’armée a besoin de héros », souligne pourtant le général Jean-René Bachelet, qui a œuvré pour la reconnaissance par le grand public de Tom Morel, tué en 1944 à la tête du bataillon des Glières, à 29 ans. « La France passe par des périodes d’exaltation et des phases de silence à peu près absolu, comme c’est certainement le cas actuellement », analyse le colonel Michel Goya, qui regrette « une réticence culturelle à mettre nos propres soldats en avant ». En Afghanistan, note-t-il, les combats fragmentés, au milieu des populations, obligent les armées occidentales « à corseter les missions pour réduire au minimum les risques » et laissent peu de place à l’héroïsme.
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