dimanche 27 mars 2011

A bord du "Charles", la Libye en ligne de mire

Casque intégral sur combinaison kaki, le pilote descend du Rafale qu'il vient de parquer sur le porte-avions français Charles-de-Gaulle, après un vol épuisant dans le ciel libyen.
Une dizaine de mécaniciens accourent: tenue rouge pour les spécialistes des carburants, verte pour la maintenance aéronautique, canari pour les "chiens jaunes", qui orchestrent les manoeuvres sur le pont d'envol y compris en donnant de la voix.
Encore en l'air, l'avion-radar Hawkeye qui a accompagné la mission se prépare à son tour à "apponter", tandis qu'un autre remonte par ascenseur d'un pont inférieur pour le vol du soir.
"Ça ne s'arrête jamais", commente un lieutenant venu assister au spectacle depuis la passerelle d'observation du pont 07, là où la vue est la plus belle sur l'arrière du porte-avions et ses aéronefs alignés sur le pont gris, entre l'azur du ciel et le bleu marine de la mer Méditerranée.
Quelque part entre Malte, la Crète et la Libye, le porte-avions à propulsion nucléaire se déplace souvent pour brouiller les cartes des hommes du colonel Mouammar Kadhafi, cible de l'opération "Harmattan", le versant français de l'intervention militaire alliée lancée il y a une semaine pour contre le régime libyen.
Selon l'état-major français, au moins sept appareils libyens - cinq avions et deux hélicoptères - ont été détruits par l'armée française samedi à Misrata, dans l'ouest de la Libye, soit le bilan officiel tricolore le plus lourd à ce jour pour une journée de frappes.
Revenus fin février d'une mission de quatre mois dans l'océan Indien, avec intervention en Afghanistan, les 2.000 marins du fleuron de la Marine française, dont 15% de femmes, ont écourté leur repos.
PILOTER C'EST "COMME RETROUVER SON LIT LE SOIR"
Moins de trois jours ont passé entre le vote de la résolution à l'Onu autorisant l'opération militaire contre Tripoli et le départ du porte-avions de son port d'attache de Toulon, à deux jours et demi de mer de la Libye.
La carte du pays dirigé depuis plus de quarante ans d'une main de fer par Mouammar Kadhafi a remplacé celle de l'Afghanistan sur les murs et les écrans des salles de radars.
"Au moins, on sert à quelque chose", commente Jordan, quartier-maître affairé dans le hangar. Se sent-il galvanisé par cette mission? "Ça les stresse peut-être un peu en haut, mais nous non. On travaille comme d'habitude", sourit le jeune homme.
"En haut", chez les officiers, une satisfaction mêlée de prudence prévaut.
A l'image de Philippe Coindreau, chef du dispositif français en Méditerranée, pour qui l'opération est pour l'instant "un succès total" mais qui refuse de sous-estimer le pouvoir de nuisance de Mouammar Kadhafi.
Sur la passerelle de navigation, Jean-Philippe Rolland, commandant du Charles-de-Gaulle, yeux verts et voix chaleureuse, reste prudent. "Ce n'est pas une mission qui pose de difficultés particulières en dehors du fait qu'on a pas le droit à l'erreur", explique-t-il.
La seule chose qu'il dit craindre, c'est une" action isolée d'un bâtiment de guerre ou d'avions des forces pro-Kadhafi" contre le porte-avions. Une telle action aurait "très très peu de chance d'aboutir" mais elle "pourrait avoir un certain retentissement".
Pour les pilotes aguerris, ces missions, lancées sur un théâtre d'opérations nouveau pour eux, n'ont rien d'exceptionnel.
"Rentrer dans le cockpit, c'est comme retrouver son lit le soir. C'est un endroit que l'on connaît très bien", dit un pilote de Super Etendard.
UNE VILLE DE 2.000 PERSONNES
Le "Charles", comme on l'appelle à bord, est une belle machine compliquée.
"C'est un aérodrome, un aéroport, une base aérienne, une ville de 2.000 personnes, deux centrales nucléaires, le tout sur une boîte en fer", résume un marin.
A bord, le professionnalisme règne "même si c'est vrai qu'avec cette nouvelle mission, il y a un esprit un peu particulier. On se dit plus souvent 'bonjour' dans les coursives, par exemple", dit Thierry, un marin qui a, comme les autres, requis l'anonymat pour raisons de sécurité.
Même tard le soir, sous des myriades d'étoiles, l'activité est encore vive sur le pont.
Entre les messages des haut-parleurs, les bruits des portes des hangars, les sirènes, sans parler du rugissement des avions de guerre au décollage, le Charles-de-Gaulle est un lieu plutôt bruyant, à l'atmosphère toute métallique.
Dans ce monde sans fenêtres, la promiscuité est grande entre les marins, qui ne cessent de monter et de descendre les échappées, les ascenseurs étant réservés aux officiers.
Les contacts avec le monde extérieur passent par le téléphone, internet et la télévision, omniprésente.
A chaque niveau, une salle de détente jouxte la salle de restaurant où les menus varient en fonction des ravitaillements: celui venu de la Meuse, samedi, a permis une arrivée de produits frais, en plus du carburant, du courrier et du linge propre.
Malgré ces conditions très particulières, le moral des troupes reste bon. "En quatre mois dans l'océan Indien, je n'ai eu que quatre évacuations pour causes psychologiques", raconte le médecin-major du bâtiment.
Dans l'hôpital muni de deux blocs opératoires, un kinésithérapeute soulage les muscles de la quarantaine de pilotes, soumis à rude épreuve lors des catapultages, qui font passer un avion de 25 tonnes de 0 à plus de 250 km/h en deux secondes. Demain, une autre mission les attend.
http://fr.news.yahoo.com/4/20110327/tts-france-libye-charles-de-gaulle-ca02f96.html
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