mercredi 23 février 2011

« L'Afghanistan, ce fut la mission la plus intense »

Éric Tisset, 37 ans, adjudant au 3e Rima, témoigne dans La guerre en face, un documentaire réalisé pour France 2. Ce film est présenté ce soir, en avant-première, au palais des arts.
Entretien


Qu'est-ce qui vous plaît dans votre métier de militaire ?


Ce n'était pas une vocation au départ. C'est en regardant les images de la Guerre du golfe, au début des années 90, que j'ai commencé à rêver. Je ne suis pas issu d'une famille de soldats pourtant !


Je suis entré dans l'armée en tant qu'appelé et cela m'a plu. Au début, ce fut dur, mais si c'était à refaire, je recommencerais.


Depuis quand êtes-vous à Vannes ?


Depuis septembre 2007. À 37 ans, j'ai déjà effectué 19 années de service en Martinique, à Fréjus, à Pamiers.


Avec le 3e Rima, vous êtes parti en Afghanistan. Quels souvenirs en gardez-vous ?


Quand on est militaire, c'est la mission à faire. Elle a duré six mois. Elle fut très intense. Je n'ai pas vu les jours passer. Là-bas, les tirs étaient permanents.


Avant de partir, je me suis posé beaucoup de questions. Sur place, en tant que chef de section avec une quarantaine de soldats sous mes ordres, je n'ai pas eu peur.


Même quand l'un de vos hommes a perdu la vie ?


Face à la mort, un chef de section doit toujours être plus fort que les autres. On a une mission à remplir. On y va ! On ne se pose pas de question.


Ma priorité, c'était de ramener tout le monde, sain et sauf, tous ces jeunes de 20 ans dont j'avais la responsabilité. Je n'avais pas peur de la mort.


Peut-on rester insensible face au décès de l'un de ses camarades ?


Je le pensais, je le voulais au début. Mais le contrecoup s'est installé. Je me suis demandé ce que j'allais pouvoir dire à ses parents. Ce décès, je ne l'oublierai pas. On ne peut pas oublier. Mais la vie continue.


Le réalisateur du documentaire, diffusé ce soir au palais des arts, estime qu'en France, on est passé du soldat inconnu aux soldats méconnus. Ressentez-vous cette indifférence à Vannes ?


Pas du tout ! À la différence de Marseille ¯ ma ville natale ¯ où les gens s'en fichent un peu des militaires, on sent à Vannes un vrai sentiment d'attachement au régiment. Nous sommes reconnus.


Lors de notre mission en Afghanistan, nous avons reçu de nombreux courriers et colis de la part d'écoliers et d'habitants. Cela nous a fait chaud au coeur. Le prix « Morbihannais de l'année », décerné par les lecteurs d'Ouest-France, nous a aussi réjouis.


Est-ce que le retour d'Afghanistan a été difficile ?


Le plus dur, ce fut de retrouver un quotidien assez banal, sans adrénaline. On est déphasé. Généralement, c'est six à huit mois après le retour que des traumatismes peuvent ressortir.


Des psychologues se mettent donc à l'écoute de ceux qui en éprouvent le besoin. Dans ma section, fort heureusement, nous n'avons pas rencontré de gros soucis.


Combien de temps pensez-vous encore donner à l'armée ?


Six années probablement. Actuellement, je transmets le flambeau, mon expérience, aux plus jeunes, en animant des formations.


Ce sont vos proches qui vont être contents de vous voir mettre un terme à votre carrière, non ?


Ma mère et mon amie ont très mal vécu mon séjour en Afghanistan. Elles ne se sont jamais autant inquiétées. Il est vrai que ce fut la mission la plus intense.


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