mercredi 24 novembre 2010

Le futur drone français sera-t-il américain ?

Dans leur projet pour avis sur l'équipement des forces, déposé le 18 novembre dernier en vue de la discussion sur le budget de la défense, les sénateurs Xavier Pintat (UMP) et Daniel Reiner (PS) posent la question de l'origine des futurs drones de l'armée de l'air française. Ils laissent entendre - sans toutefois le dire explicitement - qu'ils préconisent le recours à un achat "sur étagères" aux États-Unis du MQ-9 Reaper, produit par General Atomics. Un achat de ce type consiste à se procurer un matériel déjà existant, sur lequel très peu de développements complémentaires sont à prévoir. Ce choix revient à renoncer à développer un matériel national. C'est celui qui avait été fait pour les systèmes actuellement en service, les SIDM Harfang, achetés sur étagères auprès d'Israel Aircraft Industries, au prix cependant de fort coûteuses adaptations confiées à EADS pour les doter d'un système de conduite de mission purement français, et de liaisons par satellite.




L'achat de drones Reaper (ex-Predator B) aux États-Unis est une éventualité que ne rejette pas (euphémisme !) le chef d'état-major de l'armée de l'air, le général Jean-Paul Palomeros, qui s'est exprimé en ce sens le 9 novembre dernier, devant la commission des Affaires étrangères du Sénat : "Il faut revenir à l'expression du besoin opérationnel. Les forces terrestres sont très satisfaites des drones et des drones MALE en particulier. Néanmoins, elles peuvent faire la comparaison avec les autres systèmes déployés en Afghanistan, c'est-à-dire les systèmes américains, et en particulier les drones Reaper qui sont plus gros et dont les capteurs donnent des images plus précises." A contrario, Jean-Paul Palomeros semble trouver bien mauvaise l'idée d'EADS de vendre à l'armée de l'air de nouveaux Harfang : "La question est : peut-on raisonnablement espérer prolonger la vie des drones Harfang ou est-ce illusoire ? Nos capteurs électroniques seront bientôt frappés d'obsolescence. Est-ce que les industriels - EADS et IAI -, avec qui nous travaillons dans les meilleures conditions, peuvent moderniser ce système dans des coûts, des délais et des conditions techniques acceptables ? J'en serais très heureux. Mais pour l'instant, nous n'avons pas eu de réponse précise. (...) Si, malheureusement, la réponse était négative, le fait est que nous risquons une rupture capacitaire et qu'il faudra acheter sur étagères."


La balle est dans le camp de Juppé


Ce que souhaite l'armée de l'air aujourd'hui, bien qu'elle ne le dise pas ouvertement et que Palomeros affirme ne pas avoir "de préférence", n'est donc autre qu'un achat de Reaper. Des négociations en cours avec les États-Unis visent à obtenir la garantie que les Français pourraient y installer leur propre - et excellent - système de communication par satellite développé par Zodiac pour le Harfang, tout en conservant la capacité du Reaper à tirer des missiles Hellfire, que le Harfang ne possède pas. Autre volonté : doter le Reaper d'équipements au goût des Français (caméras, radar, systèmes d'écoute et d'interception, pods d'observation) qui le rendraient capable de conduire des missions actuellement dévolues à des avions pilotés, notamment pour la patrouille maritime et la surveillance des eaux territoriales.




Pour les deux rapporteurs, la nécessité de choisir le Reaper ne fait aucun doute : "Plus puissant, plus rapide, volant à plus haute altitude, le Reaper possède 36 heures d'autonomie contre 24 pour le Harfang. Ses capteurs optiques permettent d'identifier une activité suspecte, alors que ceux du Harfang, de conception plus ancienne, se limitent à la détection. Pour des raisons analogues, le potentiel d'évolution du calculateur du Harfang est plus limité que celui du Reaper, par exemple si l'on souhaitait coupler capteurs optroniques et électromagnétiques. Enfin, l'effet de série bénéficie au Reaper, produit à 200 exemplaires, son coût à l'heure de vol étant bien inférieur à celui du Harfang." Ils détaillent ensuite les capacités de chaque engin et s'interrogent, en conclusion, lançant la balle dans le camp du ministre Alain Juppé : "Des éléments complémentaires sur la possibilité de prolonger le Harfang sont en cours d'examen. Il s'agit de savoir si cette solution peut être mise en oeuvre dans des conditions financières, des délais et avec des performances soutenant la comparaison avec un achat sur étagères du Reaper." Mais pour eux, c'est clair : le futur drone français doit être américain.


http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/jean-guisnel/le-futur-drone-francais-sera-t-il-americain-23-11-2010-1266059_53.php
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