Malgré la crise économique, le Royaume- Uni et la France aspirent à conserver un rôle majeur sur la scène mondiale. Pour y parvenir, les deux nations l’ont bien compris, elles ne peuvent plus faire cavalier seul. Éclairage sur ce que pourrait être la nouvelle coopération militaire franco-britannique
Christophe Goussot, chargé de mission à la Délégation aux affaires stratégiques (DAS), spécialiste de la relation bilatérale avec le Royaume-Uni, explique les enjeux de cette « coopération militaire franco-britannique ambitieuse » qu’Hervé Morin évoquait devant la commission défense de l’Assemblée nationale, le 7 juillet dernier.
Quelles raisons poussent la France et le Royaume Uni à un renforcement de leur coopération militaire ?
Depuis 2003, les Britanniques sont engagés massivement en Irak et en Afghanistan. On peut chiffrer à 18 milliards de livres sterling (21,4 milliards d’euros), les surcoûts liés à ces deux théâtres d’opérations. Un déploiement d’une durée inédite qui les a contraints à une gestion à flux tendus de leur personnel et équipements. Ils ont non seulement, dû acheter du matériel en urgence opérationnelle, mais ils ont également dû, en parallèle, continuer à financer des programmes d’équipement extrêmement ambitieux.
La crise est intervenue dans ce contexte. Les armées britanniques pourraient voir leurs crédits diminuer de 10 à 15% au cours des prochaines années. Le Royaume Uni est désormais conscient du fait qu’il ne pourra plus envisager l’avenir selon les mêmes modalités qu’il y a 4 ou 5 ans. Les finances et l’opinion publique ne suivent plus.
La France se trouve dans une situation analogue. Nous nous sommes aussi rendu compte que la crise allait avoir des répercussions sur le budget de la défense. Nos deux nations ont besoin de nouveaux partenaires, elles ne peuvent plus agir seules.
Comment cette collaboration renforcée doit-elle être construite?
Il faut que l’on initie une dynamique qui nous fasse passer d’une conception strictement nationale de nos capacités existantes, à une vision plus large basée sur le partage, à des mutualisations et peut-être, in fine, à des dépendances réciproques.
Ne risque-t-on pas de s’enfermer dans cette relation ?
Ce n’est pas un dialogue exclusif. Nous avons décidé de travailler ensemble car nous sommes les deux pays européens qui investissons le plus d’argent dans leur défense. Nous sommes les plus prompts à s’engager sur les théâtres et de plus, nous avons des intérêts stratégiques relativement convergents. Mais ce que l’on fait aujourd’hui, avec les britanniques pourra se faire à l’avenir, avec d’autres partenaires européens. Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas forcément de contradiction entre avoir une autonomie nationale et avoir des capacités partagées.
La frilosité des Britanniques quant à la construction européenne de la défense ne pose-t-elle pas un problème ?
Au contraire, une coopération bilatérale renforcée avec la France pourrait tenir lieu de politique européenne pour un gouvernement majoritairement conservateur. Les Britanniques pourraient faire en bilatéral ce qu’il ne souhaite pas dans un cadre institutionnel multilatéral qui est celui de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).
Quels domaines sont privilégiés ?
De nombreux projets sont étudiés. Le secteur spatial est évoqué et notamment les communications satellites. Il faut trouver des successeurs à Skynet et Syracuse 3. Les missiles, l’approvisionnement stratégique, sont aussi des thèmes clefs. On travaille sur les drones (tactiques, MALE), le soutien à l’A400M, la guerre des mines, les sonars.
Depuis 2008, les deux pays ont investi conjointement beaucoup d’argent dans les programmes de recherche et technologie. On pourrait d’ailleurs mettre en place des dépendances mutuelles dans les moyens d’essais. Une coopération renforcée en termes de lutte contre les engins explosifs improvisés (IED) est aussi envisagée. Des échanges de doctrines pourraient être mis en place mais également des échanges de formations. L’accès réciproque à nos bases outre-mer et plus généralement l’évacuation commune de nos ressortissants sont de nouveau des sujets d’actualité.
Sur le plan opérationnel, un dialogue s’est établi au niveau de la protection des bases opérationnelles avancées (FOB).
Rien n’est donc encore fixé ?
Effectivement, nous en sommes au stade des discussions. Les Britanniques sont actuellement engagés dans leur revue stratégique de défense avec, à la clef, des choix qui ne nous appartiennent pas. La France apportera certes, sa contribution à la revue en proposant un certains nombre d’axe de coopération mais ils resteront maîtres de leur politique de défense. Les conclusions seront arrêtées fin octobre et publiées mi-novembre.
Des secteurs d’activité sont-ils néanmoins exclus dans les pourparlers ?
Le premier ministre britannique, David Cameron et Nicolas Sarkozy ont souhaité instaurer une discussion sans tabou.
Quelles sont les actions nécessaires pour que ce partenariat aboutisse ?
Une coopération renforcée réussie consisterait à accepter un travail plus étroit dans des domaines où nous n’avons jamais collaboré ensemble, des mutualisations qui permettent aux deux pays de faire des gains et de défendre leurs intérêts. Il faut que l’on soit capable de trouver des initiatives suffisamment engageantes, suffisamment structurante, pour élaborer des solutions à nos difficultés respectives. Il s’agit de mettre en œuvre une logique nationale qui se décline dans une coopération gagnant-gagnant.
http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles2/france-et-royaume-uni-une-cooperation-plus-audacieuse
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