Les États-Unis jouent à quitte ou double. Consciente des contraintes de calendrier liées au retrait progressif des troupes d'Afghanistan en juillet 2011, l'administration Obama montre sa détermination à sortir du conflit afghan la tête haute. Au plan militaire, la priorité est donnée à la lutte contre les bombes artisanales, dont les soldats déployés sur place sont de plus en plus victimes. Un rapport de l'ONU publié la semaine dernière montrait en effet que les incidents liés à ce type d'engins avaient augmenté de 94% sur les quatre premiers mois de l'année par rapport au premier trimestre 2009. Jeudi, les forces de l'Otan ont été amputées de deux de ses soldats, portant leurs pertes à 341 depuis le début de l'année, qui s'annonce comme la plus meurtrière depuis l'offensive en 2001.
Afin de limiter les pertes humaines, le sous-secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter a annoncé jeudi un investissement de 3 milliards de dollars d'équipements visant à repérer les engins explosifs : les soldats américains et étrangers ainsi que l'armée afghane seront dotés de petits dirigeables équipés de caméras de surveillance, de véhicules blindés, ainsi que de robots démineurs. Un millier d'experts en explosifs seront également dépêchés sur place.
Recherche de solutions politiques
La stratégie militaire ne constitue cependant qu'un volet du processus de pacification en Afghanistan. «Pris isolément, il ne va pas changer le sort de la guerre», confirme Karim Pakzad, chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques. «La résolution du conflit dépend surtout de la recherche de solutions politiques», poursuit-il. Une vraie gageure puisque la faiblesse du gouvernement Karzaï et les divergences de vues qui l'agitent sur la légitimité de négocier avec les talibans sapent la capacité des forces alliées à obtenir le recul des insurgés.
Une brèche semble s'ouvrir cependant grâce à une coopération efficace établie avec une fraction de rebelles appartenant au Hezb-i-Islami, un parti politique proche des frères musulmans égyptiens. Leurs membres «ont donné des informations confidentielles aux armées américaine et afghane ces derniers mois, révélant la position géographique de figures clés chez les talibans, notamment dans les provinces de Baghlan et Kunduz», explique le Général Murad Ali Murad, commandant des forces afghanes dans le nord du pays. «Le flux d'informations transmises marche très bien», assure-t-il.
Si la stratégie sert les intérêts des forces alliées, elle profite également au Hezbi-i-Islami. Rémunérés pour les informations fournies, les insurgés entendent utiliser cette collaboration pour «devancer les talibans dans l'accession au pouvoir», indique le spécialiste Karim Pakzad. Alors que les talibans refusent fermement toute négociation en la présence de forces étrangères sur le sol afghan, le Hezb-i- Islami se dit prêt à négocier dans ces conditions pendant neuf mois, le temps d'établir un gouvernement provisoire.
«La situation n'a jamais été pire»
La stratégie suffira-t-elle à faire plier les talibans dont l'emprise sur le pays n'a jamais été aussi forte ? Le président Obama se réfugie pour le moment dans l'attentisme, estimant jeudi dans une interview au Corriere della Sera que son administration procèderait «à un examen à la fin de cette année pour voir si la stratégie a été efficace.» Les spécialistes de la question sont beaucoup plus pessimistes.
Malgré la promesse d'Obama d'envoyer 30 000 soldats supplémentaires, le général français Vincent Desportes juge l'approche américaine vouée à l'échec : «La situation n'a jamais été pire. La doctrine de contre-insurrection traditionnelle, telle que l'a engagée McChrystal depuis un an, avec un usage restreint de l'ouverture du feu, des moyens aériens et de l'artillerie pour réduire les dommages collatéraux, ne semble pas fonctionner.» De son propre aveu, le général David Petraeus, qui remplace McChrystal depuis son limogeage, jugeait dimanche que le conflit atteignait un «moment critique.»
A croire que les Etats-Unis paient les maladresses perpétrées sous Bush, «lorsque les stratèges militaires et les responsables politiques se sont engagés dans un pays sans en connaître ni l'histoire, ni les traditions, en ignorant la base idéologique des talibans et les liens avec leurs frères pakistanais», regrette Karim Pakzad. Un gouvernement solide à Kaboul, des talibans affaiblis et une coopération efficace avec le Pakistan, voilà les trois piliers qui détermineront selon lui le succès des forces alliées en Afghanistan. Un défi démesurément ambitieux au regard du compte à rebours qui a déjà commencé.
http://www.lefigaro.fr/international/2010/07/08/01003-20100708ARTFIG00581-afghanistan-la-strategie-de-la-derniere-chance.php
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