lundi 28 juin 2010

Quand les étudiants prennent goût au garde-à-vous

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Le ministère de la Défense propose à des étudiants de grandes écoles de commerce d'effectuer leur stage de fin d'études sous les drapeaux. Pendant dix-neuf semaines,ils goûtent aux valeurs de l'armée. Séquence frissons, sous la pluie et dans le vent.
Deuxième et dernier jour du stage d'aguerrissement au fort Penthièvre, superbe château fort, bâti au fil des siècles pour bouter les Anglais et les protestants hors de la presqu'île de Quiberon. Une quinzaine de jeunes, dont deux filles, en sont au 7e obstacle d'un parcours commando. Sous le regard critique et bienveillant de militaires professionnels, le petit groupe se hisse péniblement en haut d'un plan incliné et glissant à souhait. Une pyramide humaine permet aux premiers d'accéder au chemin de ronde. Les autres doivent redoubler d'efforts et d'astuces. Alexandre, étudiant à l'Inseec, une école de commerce de Bordeaux, a été désigné chef de groupe. « Allez. Allez ! On y croit. On y va ! », hurle-t-il en tapant dans ses mains. L'un de ses collègues stagiaires s'étale de tout son long dans une flaque d'eau. Un autre se tient une épaule douloureuse. Qu'importe ! En avant marche, vers l'obstacle suivant.



La scène fait penser à un tournage de Fort Boyard ou à une émission de téléréalité. Il y a quelques années, ces étudiants de master (bac + 4 ou + 5) auraient plutôt été anti-militaristes, voire objecteurs de conscience ! Aujourd'hui, ces futurs managers sont venus là pour « tester leur résistance, dépasser leurs limites et prendre des leçons de management ».

Rémunérés 1 000 € par mois

Galvanisés par les plus motivés, les stagiaires courent vers l'obstacle n° 8. Ils crapahutent depuis près de quatre heures. Lever à 6 h au son de « Verdun la victorieuse », un chant guerrier qu'ils sont capables de reprendre en choeur. Mise en condition par une marche d'une heure trente, avec sac à dos, rangers et casque. Le « parcours santé » en fait tousser plus d'un. Mais presque tous résistent à ces deux journées d'efforts intensifs. À part un forfait, pour cause d'incompatibilité avec la vie militaire, et deux « hors-jeu », victimes d'une entorse à la cheville.

« Géraldine » est le prénom que donnent les militaires à leurs collègues féminines. Mais celle-ci se prénomme vraiment Géraldine. C'est l'une des trois filles du groupe. Elle grelotte de froid. Au 10e obstacle, le capitaine Maurat lui propose de rentrer au chaud. « Je reste avec mes camarades », lui rétorque Gégé. « C'est ça l'esprit de groupe ! », se réjouit Arthur, de l'ESC Reims, une autre école de commerce.

Midi. Les stagiaires regagnent leur dortoir. Certains pour une douche chaude. Tous pour un treillis sec. Ces étudiants seraient-ils déjà dans le moule de l'armée ? Pas vraiment. Aucun ne souhaite devenir militaire de carrière. Ce stage, rémunéré un peu plus de 1 000 € par mois, leur confère tout de même le statut de réserviste.

« Je suis venu pour voir comment je réagirais au manque de sommeil et au froid », confie Arthur qui veut travailler dans la com et la pub. Alexandre, lui, envisage d'ouvrir un cabinet de conseil aux entreprises. « En passant quelques semaines dans l'armée, je souhaite avoir une expérience de groupe. Et m'initier au management. » Convoqué pour un entretien d'embauche inattendu, Pierre, de l'Edhec de Lille, a dû demander une permission. Lui aussi apprécie le stage. « Physiquement, je progresse tous les jours », s'étonne-t-il en exhibant ses mains garnies d'ampoules et de griffures. Ce sont les séquelles de passages à l'asperge, à l'espalier, à la gouttière, et autres réjouissances du parcours du combattant. « Tous les jours je m'impressionne ! Je pense que la moitié de la force est dans ma tête. »

Tatiana, 21 ans, de l'ESC Europe à Paris, doit suivre un master « finance et environnement » à Berlin. Plus tard, elle envisage de faire du business avec l'armée. Géraldine ¯ qui ne grelotte plus ¯ a prévu de terminer son master par un mémoire sur le microcrédit en Inde, avant de postuler « dans les relations internationales ».

En proposant ce stage à des étudiants de grandes écoles, l'armée se constitue un vivier de réservistes. Elle espère aussi secrètement enrôler quelques cadres. Pour l'heure, les 17 jeunes ne l'envisagent pas. Ils pensent à la suite de leur séjour sous les drapeaux. Après six semaines à l'école des officiers de Saint-Cyr Coëtquidan, dans le Morbihan, ils en passeront trois en écoles d'application à Angers, Draguignan ou Saumur. Puis dix semaines dans un régiment, où ils seront chefs de section (en doublure). « On a déjà appris à vivre en collectivité. À diriger un groupe. On est plus résistants », constate Pierre avec satisfaction. « Ils développent aussi des valeurs d'intégrité, de hiérarchie et de dévouement », ajoute le capitaine Boulain, jeune officier, ex-étudiant titulaire d'une maîtrise d'histoire.
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