Dien Bien Phu vu d'en face plonge le lecteur dans l'enfer de "la cuvette". Mais pour la première fois, c'est dans les fourrés et les trous, parmi les soldats de l'Armée populaire vietnamienne, que les combats lui seront racontés. À travers leurs confidences, il suit ces bo doi (soldats) dans toutes les étapes de la bataille, de la préparation logistique à leur victoire finale sur le corps expéditionnaire français le 7 mai 1954. Dien Bien Phu devait permettre d'installer un camp retranché dans cette cuvette afin d'attirer les troupes vietnamiennes du Nord et les annihiler. Une victoire française qui aurait permis de négocier en position de force à l'approche de la conférence de paix à Genève prévue en juillet 1954. C'est le contraire qui se produira. Le début de la fin pour l'empire colonial français.
Les témoignages de ces 88 combattants du Viet Minh abattent nombre d'idées reçues dans les deux camps. Certes, en termes d'équipements, les forces vietnamiennes ne faisaient pas le poids face aux 16.000 hommes du corps expéditionnaire français. Mais elles étaient organisées, bien encadrées et constituées en une armée de 55.000 bo doi soutenus par 260.000 civils. Avec un service logistique (quelques camions chinois mais surtout plus de 20.000 bicyclettes), du génie capable de transporter de l'artillerie et un théâtre des armées que l'on découvre, dans ce livre, avec une jeune fille qui s'est engagée moins pour jeter les Français à la mer que pour voir du pays.
Victor Hugo chez les Viets
Le livre alterne témoignages de soldats et d'officiers, citations des mémoires du vainqueur de Dien Bien Phu, le général Giap, et repères historiques. Ceux-ci permettent au lecteur de situer dans le temps les événements racontés par les combattants. Doute, peur, courage qui flanche, une armée française décrite comme extrêmement retorse et combative, le soldat vietnamien n'est pas cet invincible ennemi affrontant l'envahisseur colonial, armé d'un simple pyjama et d'une paire de tongs, qui réalise l'impossible grâce à son amour du parti de l'oncle Hô. Peu à peu, au fil des témoignages, ces "patriotes infaillibles", dépeints par la propagande, laissent place aux "vrais gens" avec leurs histoires d'un quotidien sous les drapeaux. Comme ce jeune "bourgeois de la ville" que les travaux manuels rebutent mais qui arrive habilement à les faire effectuer par ses camarades d'origine paysanne, en échange de la lecture des œuvres de Victor Hugo.
Quelques témoignages n'en contenteront pas moins les amateurs d'héroïsme guerrier. Souvent teintés d'un romantisme révolutionnaire, certains restent marqués par une longue tradition de propagande qui donnerait presqu'à sourire si l'on perdait de vue la souffrance humaine dans les deux camps. Un soldat raconte comment son unité se fournissait en grenades : en balançant celles que les légionnaires français leur jetaient avant qu'elles n'explosent. Un autre bo doi, qui vient de perdre la vue, ajuste son tir grâce à son camarade qui, lui, n'a plus de bras...
Dien Bien Phu vu d'en face, c'est l'Histoire racontée par ceux qui l'ont faite. Un récit de la bataille à l'échelle humaine beaucoup plus poignant à lire que celui qu'a gravé dans le marbre le parti communiste vietnamien.
http://lci.tf1.fr/culture/livres/2010-06/dien-bien-phu-vu-d-en-face-5876840.html
http://lci.tf1.fr/infos/dien-bien-phu/dien-bien-phu-1.html
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