SARAJEVO/RAJOVAC
J'étais, parallèlement à mon emploi d'adjoint au directeur des services financiers, président des sous-officiers de la compagnie de commandement et de logistique (CCL) et à ce titre, j'étais responsable de l'ambiance. Mais plus le temps passait sur le territoire bosniaque, l'ambiance se dégradait... l'éloignement familial y était pour beaucoup... les liaisons téléphoniques avec la France étaient rares et chères...Rien n’y fait, les repas de corps ou l’on chante à boire, les pots de cohésion du week end entre deux missions non plus ne redonnent pas le moral aux cadres. Et voici que personne ne veut verser les 10 deutschmark que j'ai demandé à chacun pour faire un cadeau de fin de mandat au capitaine commandant la compagnie...c'est la tradition... on lui offre la réplique en miniature du drapeau de la compagnie... je ne vais pas me démonter...il me faut l'argent pour le cadeau... je vais donc parler à tous ! Pour avoir tout le monde, j'organise un pot. Si je fais une réunion, chacun aura l'excuse d'un travail pour ne pas venir .. mais un pot ...c'est différents !
Le jour du pot, avant de boire, le président doit faire un discours... je commence à parler ... et là, je suis virulent..."ce serait la première fois qu’un capitaine quittant son commandement n’aurait pas son cadeau, vous ne voulez pas payer et bien moi le major Francis je vous dit que la capitaine aura son cadeau! quitte à le payer moi même!!! on gagne assez ici pour faire ce sacrifice mais il ne sera pas dit que je laisserais partir le capitaine sans cadeau. Maintenant on peut boire un coup, la main dessus!!! »
La main dessus, ça veut dire "à la votre"
Personne n'a commenté, mais dès le lendemain, l'argent a commencé à arriver...certains ont même versés plus que les 10 DM demandés...si bien que le lieutenant adjoint du capitaine a pu lui aussi recevoir un cadeau.
Le capitaine est parti en France avec son cadeau ...nous étions tous les deux assis dans le hall d'attente de l'aéroport de Sarajevo... il était très ému d'avoir reçu ce cadeau...! il n'a jamais su que j'avais "soufflé dans les bronches" des sous officiers de la compagnie pour pouvoir lui offrir ce drapeau. Mais c'était mon devoir ...
J'ai revu le capitaine une fois dans ma carrière...c'était à Compiègne à l'école d'Etat major.... il préparait son concours d'entrée au CSEM...
J'ai souvent pensé à cet épisode de ma carrière .. certains m'en ont voulu pour ce discours "musclé" mais on ne commande pas pour être aimé... on commande pour obtenir un résultat... j'ai pourtant toujours essayé d'obtenir la confiance et l'adhésion de mes subordonnés ...
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