Depuis le 3 novembre, ces jeunes de 18 à 25 ans participent au Service militaire volontaire (SMV), un programme voulu par François Hollande au lendemain des attentats de janvier. Ils sont 91 (cinq sont partis depuis le lancement), garçons ou filles (30 % des effectifs) et ont, pour seul point commun, un passé tumultueux et souvent parsemé d’échecs. Sans diplôme ou tout simplement sans perspectives dans le métier qu’ils s’étaient choisi, ils ont demandé un coup de main. Les militaires leur ont tendu la leur avec une promesse : leur donner toutes les clés pour trouver un emploi. A condition de suivre les règles imposées par l’armée durant six ou douze mois.
« J’ai appris à faire mon lit tous les jours »
Réveil à l’aube, extinction des feux à 22h. Cheveux ras pour les garçons, chignon pour les filles. Les chambres sont non mixtes, quoi qu’il arrive, et le lit au carré est de rigueur. Quant à l’alcool et aux stupéfiants, ils sont évidemment interdits. « La seule grande différence avec les engagés, c’est qu’ils ne s’entraînent ni au tir ni au combat », clarifie le lieutenant-colonel Laurent Guéguen, qui gère le centre de Brétigny, l’un des trois sites d’expérimentation du SMV (avec La Rochelle et Montigny-lès-Metz).« Au début, lors de la formation initiale qui dure un mois, c’était dur », témoigne Bounour, 24 ans, encore marqué par la nuit passée sous une tente dans la forêt et le parcours inspiré des stages commandos. « Mais je me suis habitué à la discipline militaire », complète le jeune homme, l’un des premiers à table pour le petit-déjeuner ce matin-là.
Qu’ils soient partis de chez papa et maman ou qu’ils aient quitté la rue, tous racontent un apprentissage difficile, mais aussi leur satisfaction d’avoir tenu le choc. « Avant d’arriver ici, je vivais chez mes parents, j’étais perdue, j’avais du mal à travailler… souffle Véronique, 19 ans. L’école était trop laxiste pour moi ; au moins, au SMV, on a un cadre, même si je ne pensais pas que ce serait aussi disciplinarisé. » « Ici, j’ai appris à faire mon lit tous les jours, ce que je ne faisais jamais chez moi, sourit de son côté Silla, 20 ans. J’ai carrément changé et j’ai pris confiance en moi. » L’un des objectifs des militaires qui les encadrent.
Permis de conduire gratuit
« Les recruteurs ne veulent pas forcément des gens qualifiés, mais des jeunes qui vous regardent dans les yeux, qui sont à l’heure, rigoureux, capables de travailler en groupe, et qui savent se placer dans une hiérarchie », assure le lieutenant-colonel Guéguen. Un profil que l’armée s’est fait une spécialité de façonner. La grande muette fait ce qu’elle sait faire : enseigner la discipline, via les corvées ou le sport par exemple, vomme elle le fait avec ses engagés. « Elle permet aussi l’apprentissage du permis de conduire », ajoute Curtys, 24 ans, qui ne cache pas que ce détail a joué un rôle dans son volontariat. « Pour trouver du travail, c’est important. »Les 48 encadrants du SMV se sont aussi adaptés à ce nouveau public. A Brétigny-sur-Orge, les volontaires prennent des cours de français, d’anglais et de maths, dispensés depuis peu par des professeurs de l’Education nationale, travaillent leur CV et leur lettre de motivation… Plus original : ils participent également à des missions citoyennes, dans des hôpitaux par exemple, et à des cérémonies, comme le 11 novembre à Bougival et Viry-Châtillon.
Pour Bounour, ce mercredi, ce sera travaux d’intérêt général (en l’occurrence, rangement et nettoyage de la chambre avant inspection), renforcement musculaire, puis cours de français, dans l’après-midi. Pour Véronique, 19 ans, natation et déplacement à la préfecture de l’Essonne pour représenter le SMV avec ses camarades.
Nouvelles recrues en septembre
Dans quelques semaines, tous auront entamé la phase de formation professionnelle. Deux sections se prépareront spécifiquement à différents métiers de la SNCF, une autre à ceux de Disneyland et à la sécurité, et la dernière au BTP. Certains en stage, d’autres en alternance. Un premier moment de vérité face à leurs futurs employeurs partenaires de l’armée. Pourtant, le lieutenant-colonel Guéguen ne s’inquiète pas. « Quand nos jeunes ont rencontré des dirigeants de la SNCF, ils les ont impressionnés, se réjouit-il. Les représentants des ressources humaines nous ont dit qu’ils les avaient trouvés motivés, polis et respectueux. »Bien sûr, tout n’est pas parfait. Monté en quelques semaines à partir de rien -les bâtiments eux-mêmes étaient abandonnés-, le SMV est encore en rodage. Quant aux troupes, elles retrouvent parfois de mauvaises habitudes adolescentes, entre retards, petits accrochages et attentisme. Comme ce petit groupe sortant de la piscine, à qui un formateur lance : « Séchez-vous bien les cheveux, vous allez attraper froid ! » « Certains se reposent en effet encore trop sur nous, confirme Eric*, le directeur général de la formation. Mais le plus important, pour moi, c’est qu’on voit qu’ils ont tous envie de s’en sortir. »
« Ce qu’on espère, c’est qu’après le SMV, ils retiennent ce qu’on leur a appris et qu’ils aient une influence sur leur entourage », explique le lieutenant-colonel Guéguen. Et, pourquoi pas, qu’ils en parlent autour d’eux pour convaincre leurs amis, leurs frères ou leurs cousins de tenter le coup… D’ici à septembre 2017, 1.000 jeunes devront avoir expérimenté le SMV sur les trois sites nationaux. En septembre, 100 nouvelles recrues arriveront ainsi à Brétigny, puis 50 autres suivront en novembre. Ce qui ne devrait pas poser de problème… Sur son bureau, le lieutenant-colonel Guéguen dispose déjà de près de 200 candidatures.
http://www.20minutes.fr/societe/1770771-20160122-service-militaire-volontaire-bretigny-armee-bat-front-emploi-jeune
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