samedi 24 mai 2014

Armée française : une crise sans précédent

Alors que les quatre chefs d’état-major de l’armée française menacent de démissionner, le ministre de la Défense tente de sauver son budget. Manuel Valls rassure. François Hollande arbitrera… plus tard
Le 13 mai, à l’occasion d’une réunion du Comité des chefs d’état-major à l’îlot Saint-Germain à Paris, les quatre plus hauts gradés de l’armée française ont évoqué la nouvelle réduction du budget de la Défense que Bercy demande dans le cadre du plan d’économies de 50 milliards d’euros décidé par le gouvernement. Les généraux Pierre de Villiers (chef d’état-major des armées), Bertrand Ract-Madoux (armée de terre), Denis Mercier (armée de l’air) et l’amiral Bernard Rogel ont carrément envisagé de démissionner en cas de nouvelle coupe budgétaire. D’autres généraux parmi les plus étoilés du pays qui assistaient à la discussion semblaient sur la même longueur d’onde.
Le président de la République François Hollande, chef des armées, a été informé de cette fronde sans précédent dès le lendemain. Son fidèle ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, par ailleurs très apprécié par les militaires, a mis lui aussi tout son poids dans la balance.
Dans une lettre au Premier ministre Manuel Valls, il dénonce un « contexte social proche de l’exaspération » au sein des armées. Et affirme : « La Défense ne peut absorber une perte de crédits en 2014, ni sur sa masse salariale, ni sur les crédits de fonctionnement, qui se situent déjà au seuil de l’acceptabilité sociale ».

Moral des troupes au plus bas

Manuel Valls a répondu hier en assurant que la loi de programmation militaire 2014-2019 serait « totalement préservée » d’éventuels efforts budgétaires. « Il est temps de tourner la page de ce débat, de ces rumeurs », a ajouté le Premier ministre.
Le démenti du Premier ministre ne rassure pas. L’ex-ministre UMP Xavier Bertrand, accuse le gouvernement de préparer de nouvelles coupes de 1,5 à 2 milliards par an dans le budget de la Défense. Le budget des opérations extérieures au Mali, Tchad et Centrafrique serait transféré au budget général de la Défense au motif que ces opérations de longues durées deviendraient des activités de « bases prépositionnées ». Ce tour de passe-passe révélé dès la semaine dernière par le député UMP du Rhône Philippe Meunier, membre de la commission de la Défense, permettrait d’économiser 1 milliard d’euros qu’il faudrait répercuter dans le budget général de la Défense de 31,5 milliards. L’autre risque serait un décalage des dépenses dans le temps, aboutissant à un même résultat.
Cette nouvelle menace intervient alors que le moral des troupes est au plus bas. Ancien chef de l’École de guerre, le général Vincent Desportes, qui traduit souvent l’humeur des armées, dénonce « les risques d’effondrement du système militaire français ». Dans ses efforts de sauver son budget, Jean-Yves Le Drian est largement soutenu, y compris par l’ancien ministre de la Défense UMP Gérard Longuet qui lui a fait part son « appui total ».
La crise est ouverte. C’est désormais à François Hollande de trancher. L’Élysée a indiqué hier que le président de la République « rendra ses arbitrages dans les prochaines semaines ». Un délai surprenant dans un tel contexte.

http://www.ledauphine.com/defense/2014/05/23/armee-francaise-une-crise-sans-precedent

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