vendredi 22 novembre 2013

Quelle intervention française en Centrafrique?

Une action prochaine de la France en République centrafricaine est de plus en plus probable. "L'ONU va donner une permission d'intervenir aux forces africaines, à l'Union africaine et également à la France", a affirmé jeudi le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius.
La Centrafrique sera-t-elle la deuxième guerre de François Hollande? Une intervention armée se précise dans ce pays, l'un des plus pauvres au monde, en proie à une forte instabilité depuis le renversement du président Bozizé en mars dernier par la rébellion Séléka, hétéroclite coalition de partis d'opposition. Depuis, les exactions contre la population se multiplient. Dans la capitale Bangui, les violences se sont même intensifiées depuis le début du mois. "Nous devons agir", a lancé jeudi le président français, lors de la remise du Prix de la fondation Chirac pour la prévention des conflits. Le chef de l'Etat a promis le "soutien" de la France à la force multinationale africaine de 2.000 hommes qui peine à maintenir l'ordre sur place.
Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a dessiné jeudi sur France 2 les contours de cette intervention. "L'ONU va donner une permission d'intervenir aux forces africaines, à l'Union africaine et également à la France", a affirmé le ministre des Affaires étrangères. Un projet de résolution doit être discuté à partir de lundi au Conseil de sécurité des Nations unies. "Ce ne sera pas du tout le même genre d'intervention qu'au Mali, ce ne sera pas aussi massif et aussi durable", a toutefois précisé Laurent Fabius. La France sera dans un rôle d'"appui", a-t-il insisté.

Vers une force de maintien de la paix

En Centrafrique, Paris peut s'appuyer sur 420 soldats français, qui contrôlent l'aéroport international de Bangui. Un chiffre amené à augmenter, selon François Hollande. L'armée française aurait également "pré-positionné des troupes dans différents pays de la région en vue d’une intervention", qui pourrait avoir lieu dès le mois de décembre, affirme cette semaine Le Nouvel Observateur. "Les militaires peuvent très facilement se retrouver au nombre de 1.200 à 1.500", explique pour leJDD.fr Roland Marchal, spécialiste de la Centrafrique au CNRS. Les soldats français devraient agir de concert avec la force africaine, qui sera transformée en décembre en Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca, supervisée par l'Union africaine), portant normalement son effectif total à 3.500 soldats.
La Misca pourrait à son tour se muer en opération de maintien de la paix sous contrôle direct de l'ONU. Dans un rapport remis cette semaine au Conseil de sécurité, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon préconise même, parmi plusieurs options, l'envoi au plus vite de "6.000 Casques bleus" supplémentaires. Un rapport de force qui pourrait faire rapidement la différence face aux groupes armés encore actifs dans le pays, selon Roland Marchal. "Ces groupes issus de la Séléka ne sont pas très organisés ni bien équipés, et ne représentent pas grand-chose d'un point du vue militaire. Ce ne serait pas un défi énorme pour un pays comme la France", explique le chercheur. "Mais la question porte davantage sur la dimension sécuritaire, notamment sur les moyens de combattre le grand banditisme qui règne jusque dans la capitale", prévient-il toutefois.

Opération "plus compliquée" qu'au Mali?

La crise centrafricaine est en effet loin de ressembler à celle du Mali en janvier dernier, lorsque des groupes djihadistes progressaient vers la capitale pour renverser le pouvoir. "Une situation comme celle de la Centrafrique où les cibles ne sont pas clairement identifiées, où les gens ne portent pas d’uniforme, et où l’adversaire ne se saisit pas de territoires s’assimile à un vrai guêpier", prévient vendredi sur France 24 le général Vincent Desportes, professeur à Sciences Po et spécialiste des affaires militaires. "Il ne s’agit pas de reconquête mais de rétablissement et de stabilisation de l’ordre - une opération plus délicate et plus compliquée que Serval".
Les objectifs de la mission de l'ONU soulèvent encore plusieurs questions. Soutiendra-t-elle le pouvoir de transition dirigé par Michel Djotodia, à l'origine du coup d'Etat en mars dernier, en réclamant simplement l'organisation de nouvelles élections prévues en 2015? "Le vrai problème réside dans l'après intervention. De façon un peu naïve, les Français ont l'air de penser qu'il suffira de sécuriser le pays pour que l'appareil d'Etat se reconstitue", explique Roland Marchal. Or, un retour à l'ordre constitutionnel en Centrafrique, ex-colonie française qui a connu dans son histoire de multiples coups d'Etat et est régulièrement exposée aux crises de ses voisins, s'annonce long et difficile.

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