mercredi 23 octobre 2013

Beyrouth, 23 octobre 1983: 58 soldats français meurent dans l’attentat du Drakkar

Dimanche 23 octobre 1983, 6 h 22 au quartier général français de la force multinationale de sécurité à Beyrouth. Le sergent Robert Guillemette, du 1er régiment de chasseurs parachutistes (RCP), raconte : « J’étais de garde sur la terrasse et j’ai été le premier à voir sauter le quartier général des Américains (241 morts, deux minutes plus tôt). Mais je n’ai pas eu le temps de faire un geste pour alerter la garde au bas de l’immeuble qui, déjà, s’écroulait. »

Un camion bourré d’explosifs vient d’exploser. L’immeuble de neuf étages du Drakkar s’effondre comme un château de cartes sur les militaires français. Cinquante-cinq du 1er RCP et trois du 9e RCP meurent dans l’attentat suicide. Pendant quatre jours et trois nuits, avec des renforts venus de Paris, des maîtres-chiens, une grue amenée du port de Beyrouth, on extrait des corps et des miraculés.
« De temps en temps, les machines s’arrêtent et les secouristes tendent l’oreille à l’écoute d’un appel venant du gouffre », lit-on dans La Voix du Nord de l’époque. Le général Cann, qui commande le contingent français (deux mille hommes), reste abasourdi : « Des dispositions de sûreté extrême avaient été prises au camp du Drakkar. Mais elles n’ont pas résisté à l’action d’un fanatique à l’inimaginable détermination. »
Dans le chaos libanais qui dure depuis neuf ans, la force multinationale de sécurité doit soutenir l’armée libanaise et le pouvoir légal, démocratique mais chancelant d’Amine Gemayel. Les soldats français et étrangers ont un mandat délicat qui leur interdit pratiquement l’usage de la force. Entre les tentatives de déstabilisation syriennes et l’occupation israélienne au sud de la ligne Awali, les factions sous influences se déchirent.

La naissance du jihad islamique

L’ambassade américaine à Beyrouth a subi un attentat meurtrier le 18 avril 1983 (69 morts). Les nations occidentales assistent sans comprendre à la naissance du jihad islamique, d’un nouveau mode de terrorisme. On envisage les mains sanglantes de la Syrie (déjà) et de l’Iran (sa révolution islamique date de 1979) ; d’autres évoquent la patte soviétique. Peu distinguent les prémices d’un mouvement plus profond, qui nous préoccupe trente ans plus tard.
Le double attentat du 23 octobre 1983 est pourtant revendiqué en des termes clairs par des nébuleuses alors inconnues ou presque, l’Organisation du jihad islamique et le Mouvement de la révolution islamique libre. On ne parle pas encore du Hezbollah (chiite libanais), né un an plus tôt mais qui ne se rendra public qu’en 1985. « Nous voulons une république islamique, même si cela devait mener à la guerre. Nous sommes disposés à faire du Liban un second Vietnam. » Tout est déjà dit.
Le président François Mitterrand et son ministre de la Défense, Charles Hernu, se rendent aussitôt à Beyrouth pour soutenir les leurs. « Au Liban, la France reste et restera fidèle à son histoire et ses engagements. »
Cinquante-huit cercueils sont alignés dans la cour des Invalides le mercredi 2 novembre (dont six Nordistes, lire ci-dessous). L’explosion du Drakkar reste pour l’armée française le bilan meurtrier le plus lourd en une seule journée depuis la fin de la guerre d’Indochine en 1954.

 


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