«Je n'étais plus comme avant. » Des larmes dans les yeux, Sylvain Favière a encore du mal à trouver les mots pour expliquer le changement qui s'est opéré en lui après son retour d'Afghanistan. Sans parler de ce qu'ont vécu son épouse et ses trois enfants.
C'était en 2008. Ce militaire de carrière, infirmier au sein de l'École des troupes aéroportées de Pau, venait de servir pendant plus de six mois dans une OMLT. Autrement dit, une équipe de spécialistes chargés de former sur le terrain l'armée nationale afghane.
Au cours de cette période, il a vécu les combats livrés sous le feu de l'ennemi, les nuits passées à l'abri d'une bâche sous la menace des tirs de roquette, le piège des mines improvisées.
« On savait qu'elles étaient là. On les voyait exploser sous les véhicules. Comme me le disait mon meilleur copain : c'est la roulette russe. » Plusieurs camarades de sa promotion d'infirmiers figurent parmi les 88 soldats français tués en Afghanistan.
Dégâts à retardement
« Cette pression permanente qui épuise les organismes sur le plan physique et psychique » a mis quelque temps à produire ses effets.
De retour en Béarn, Sylvain Favière n'a pas identifié tout de suite les symptômes de ce qui s'est avéré être un stress post-traumatique.
Une hypersensibilité d'abord, qui l'amenait à pleurer devant un événement anodin, qu'il soit triste ou joyeux. Mais aussi un tempérament de plus en plus irritable, « sachant que les personnes qui prennent le plus sont votre propre famille ». Quant à ses rêves et cauchemars, ils n'avaient qu'un seul cadre : l'Afghanistan.
Un militaire n'admet pas volontiers qu'il peut craquer. « Au début, je pensais que je m'en sortirais tout seul. Au contraire, on s'enfonce et on fait de plus en plus de dégâts autour de soi. C'était devenu invivable », reconnaît-il.
Écrire pour aider
Incité par son épouse à contacter le médecin psychiatre des armées à Bordeaux, le parachutiste palois a reçu le soutien de professionnels. Les seules personnes à pouvoir mettre des mots sur vos problèmes, assure-t-il. Cet accompagnement, associé à une activité qui lui permettait de lâcher du lest, l'a aidé à « faire un pas vers une cicatrisation ». Il ne s'est pas arrêté là.
Sylvain Favière, employé aujourd'hui dans un service de santé au travail, vient d'écrire un livre intitulé : « Ma blessure de guerre invisible » (1). Il y explique comment il est passé « de simple soldat à réel combattant ». Avec le sentiment de « faire son métier », et de remplir une mission utile. « Car c'est là-bas que se joue la sécurité de la France. »
L'ancien infirmier, qui est âgé de 38 ans, rappelle également que les sentiments éprouvés par un combattant peuvent parfois le fragiliser. Il témoigne enfin, pour « ouvrir le dialogue », et aider les soldats ayant vécu une expérience similaire.
Depuis les dix morts du col d'Uzbin, un « sas de décompression » a été créé par les autorités militaires pour les soldats revenant d'opérations extérieures. Ces jours derniers, un numéro vert « Écoute Défense » (08 08 800 321) a été mis en place pour les « blessures invisibles ».
Sylvain Favière, lui, reverse la totalité des droits de son ouvrage à l'association Terre Fraternité, qui vient en aide aux militaires et à leurs familles. Il confie penser chaque jour aux soldats encore présents en Afghanistan, ou engagés au Mali. « Ce sont des gens courageux. »
« Ma blessure de guerre invisible », éd. Esprit Com', 145 p., 12 €. www.esprit-com.net.
http://www.sudouest.fr/2013/01/28/la-blessure-invisible-d-un-soldat-948404-2780.php
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