vendredi 23 mars 2012

Amputé, il revient en héros d'Afghanistan

Le blindé patiente aux côtés de deux autres véhicules kaki. Du capot ouvert se dégage une silhouette dont la tête est plongée dans les entrailles mécaniques de la bête. Le maréchal des logis-chef Camel a repris sa place dans l'atelier régimentaire du 1er RHP. Ici, rien ne le distingue de ses camarades. Et pourtant, à tout juste 26 ans, dont sept années dans la garnison tarbaise, Erwann revient de loin. De l'enfer même.
Le 26 juin 2010, alors que sa mission en Afghanistan s'achève quelques jours plus tard, son ultime opération le mène sur une route du Sud-Tagab, près de la Kapisa. Une terre connue puisque le maréchal des logis-chef boucle là sa deuxième mission afghane. « Nous étions en reconnaissance de nuit. À chaque fois, on essuyait des tirs sur notre droite. Une semaine avant, c'était des roquettes. Avec les optiques de nuit, le conducteur n'a pas vu un virage. » Le véhicule fait une terrible embardée. Erwann se retrouve coincé sous le tas de ferraille, sa jambe arrachée. Il est évacué vers l'hôpital de Kaboul. « Je n'aurais même pas dû survivre au transport. J'avais perdu 6 l de sang sur 7. J'ai eu des opérations régulières pendant une vingtaine de jours. J'ai été amputé au niveau du tibia. » Puis devant l'impossibilité de récupérer son articulation, décision est prise, à l'hôpital militaire de Percy, d'une nouvelle amputation au-dessus du genou. « On m'avait dit que j'en aurais pour quinze jours. Mais avec l'infection, les semaines ont passé, sans que je sache combien de temps ça allait durer. »
Proches, camarades du régiment, se succèdent auprès d'Erwann qui entame sa rééducation fin avril, dix mois après le drame. L'Isérois d'origine rattrape alors le temps perdu. Six semaines et le voilà sur pied. « Je voulais tellement sortir, retrouver une vie normale. Ma nouvelle prothèse électronique m'a permis de diminuer le handicap. » Jusqu'à ce 5 décembre où Erwann retrouve son équipe mécanique au sein de l'atelier régimentaire. « J'ai ça dans le sang, témoigne ce fils de gendarme. ça a été un grand soulagement de revenir. Ici, le regard des autres est plus simple. Là, je reprends mes marques après deux ans loin du 1er RHP. J'ai envie de me réinsérer, même s'il y a des choses que je ne peux plus faire. D'autres gestes du quotidien deviennent des victoires lorsque je les accomplis. Je veux retrouver ma place, repartir en mission. »
Ce goût de l'aventure l'a conduit récemment en Californie, où se tenait un challenge international handisport. Une compétition qui servait de cadre aux sélections américaines pour les Jeux de Londres. Sans préparation ni appétence particulières pour la natation, Erwann Camel s'en est brillamment tiré sur 50 mètres nage libre, puisqu'il a terminé deuxième, juste derrière le champion paralympique. « Et même devant des valides, sourit-il. Après un an et demi de galère, c'est une superbe victoire. C'est un message. Il y a encore beaucoup à faire. C'est valorisant et ça permet de se fixer des objectifs. » Le maréchal des logis-chef Camel, qui va se plonger avec davantage d'assiduité dans les bassins, en dégage déjà deux : ressauter en parachute et participer aux Jeux de Rio.
Erwann Camel a perdu une jambe en Afghanistan. Après 18 mois d'enfer, il a retrouvé le 1er RHP où il avait laissé un grand vide. Un retour d'autant plus remarquable que le jeune a terminé 2e d'un challenge international handisport. Un exemple pour tous.
http://www.ladepeche.fr/article/2012/03/23/1313401-tarbes-ampute-il-revient-en-champion.html
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