jeudi 26 janvier 2012

L'aumônier du "8" évoque ses 6 mois en Afghanistan

Le père Richard Kalka est l'aumonier militaire du 8e RPIMa. Il a séjourné durant plus de 6 mois en Afghanistan. Il évoque ce séjour. Le militaire restant très discret et l'homme de foi très pudique, livre quelques-uns de ses sentiments.
Le père Richard Kalka porte la soutane… mais plus souvent l'uniforme de l'armée française, flanqué d'un écusson orné d'une ancre de marine, celui du « 8 ». L'aumônier du régiment castrais a passé plus de six mois en Afghanistan. Rencontre et récit.
Où étiez-vous exactement ?
Warehouse, commandement organique de forces françaises en Afghanistan à Kaboul, était ma « résidence principale », le point de départ de ma « paroisse » opérationnelle.
Comment se déroule une semaine type ?
Une présence permanente auprès de la troupe. Un samedi sur deux, je suis au HQ ISAF, le haut commandement de la Coalition en Afghanistan. L'autre samedi, je me rends au Camp Phœnix, une emprise américaine, où se trouve le détachement français « Epidote ». Sa mission consiste à former des sections et des compagnies de la future armée afghane. Tous les vendredis, je sévis au « Rôle 3 » à KAIA, un véritable hôpital militaire armé par le service de santé français, avec une collaboration belge et tchèque. Le reste du temps, je circule entre Nijrab, qui abrite l'état-major de la Task Force Lafayette, la base aérienne de Kandahar où est stationné le détachement de la chasse française, Mazâr-é Sharîf et Wardak, les deux grandes écoles de police du pays, commandées par les gendarmes français. Dès que les moyens de transport le permettent, je vais dans les FOB, bases opérationnelles avancées, et les COP, postes de combat avancés. La Providence divine m'a laissé pratiquement un mois, pour faire un tour quasi complet de ma paroisse… avant de vivre le premier drame du mandat, le 24 avril !
Que reste-t-il en vous aujourd'hui de ce séjour ?
Une fatigue physique, morale, psychique… 20 morts et une centaine de blessés durant mon mandat. Chaque mort, c'était un coup de massue, moralement et physiquement. Depuis la mort jusqu'à l'avion, j'ai accompagné tous les cercueils. J'ai même pu être présent à la morgue de l'hôpital militaire français de Kaboul lors de la toilette mortuaire de Guillaume Nunez en juin. Je découvrais, avec le personnel médical concerné et les deux prévôts, la dépouille de Guillaume. Les prévôts prenaient des photos. Ils faisaient leur travail habituel et rituel d'enquêteurs. Pendant ce temps, les infirmiers enlevaient péniblement le treillis souillé… Je priais. Mais, je suis finalement ravi d'avoir effectué cette mission difficile.
Que vous inspirait là-bas ce conflit et que vous inspire t-il ici ?
Je suis en admiration devant tous les soldats français présents en Afghanistan. Ils font tous un travail grandiose. Quelles que soient les considérations politiques qui, forcément, les dépassent, quelle que soit la stratégie qui n'est pas toujours celle que la France aurait souhaité, quel que soit le contexte qui revêt parfois des couleurs de guêpier, ces hommes vivent une mission noble et exaltante. Tout d'abord, parce qu'ils sont des soldats, des vrais. Ensuite, parce que tous, comme un seul homme, déploient toute l'étendue de leurs compétences et ne font pas la moindre économie de leurs efforts.
Pourtant la situation reste inextricable ?
Face à toutes les menaces, l'armée française présente deux points faibles, à la fois traumatisants et anesthésiants : le problème des règles d'engagement et celui de l'adaptabilité au terrain. Le premier concerne toute armée au monde issue de culture judéo-chrétienne face à un terrorisme ou une insurrection se parant de boucliers humains (femmes et enfants). Dans le second cas, il s'agit de l'équipement de combat, extraordinaire par ailleurs), du soldat français ; son poids dans la plupart des cas dépasse celui du combattant ! Enfin, je pense qu'aucun pays au monde ne peut supporter une présence militaire étrangère qui se prolonge. L'Afghanistan, le « royaume de l'insolence », comme le qualifie Michaël Barry, n'a jamais admis sur son sol une présence étrangère d'occupation, même à court terme, tout en étant toujours aussi avide par ailleurs de subsides venant de l'extérieur.
http://www.ladepeche.fr/article/2012/01/25/1269433-castres-l-aumonier-du-8-evoque-ses-6-mois-en-afghanistan.html
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