vendredi 11 novembre 2011

En Afghanistan, le quotidien des soldats français

Jean-Christophe Hanché a photographié pendant cinquante jours les soldats français en Afghanistan. Il en tire la matière d'un livre décalé, émouvant, presque muet, mais où l'image vaut tous les discours.

ÇA s'appelle sobrement « Kapisa », du nom de cette région du nord-est de l'Afghanistan truffée de talibans et que la France, depuis dix ans, a pour mission de sécuriser. Près de 4 000 soldats, 75 morts à ce jour et une mission méconnue, souvent oubliée, dévorée par les feux de l'actualité qui roule. Jean-Christophe Hanché voulait voir. C'est une manie chez lui. Aller sur place, quitte à côtoyer les ravins, défier le vertige, se frotter à sa propre peur. Il s'y était déjà essayé, du Liberia au Sud-Liban, de Sangatte à Dadaab (Kenya), le plus grand camp de réfugiés du monde.
L'Afghanistan donc, aujourd'hui. Pour montrer par le menu ce qu'est le travail des soldats français, au jour le jour, si loin de tout et de nos soucis domestiques. Hanché a obtenu les autorisations, s'est d'abord entraîné avec les militaires du 7e bataillon de chasseurs alpins de Bourg-Saint-Maurice avant de les accompagner à deux reprises, en février et juin, aux confins des vallées d'Alasay et Bédraou. La base opérationnelle avancée des Français est ici. La place est tenue par 35 hommes que l'appareil du photographe, six semaines durant, n'a plus quittés.
Approche pudique, peu bavarde, comme il les aime. Et comme il est. Dans « Kapisa », on ne trouvera donc pas d'images crues ou de champs d'horreur, mais une chronique à hauteur d'homme, sans esbroufe, décalée parfois. La chronique de soldats - jeunes souvent - qui font simplement leur job. Avec gravité souvent, concentration toujours.

Journal de bord

Dans des textes brefs, seule respiration écrite dans un album de 240 images (sur 24 000 rapportées !), le photographe tient son journal de bord. Du débarquement à Tagab, à bord d'un hélicoptère qui rase les reliefs « pour offrir le moins de prise à une attaque venant du sol », à son retour à Reims où il apprend la mort de Sébastien, avec qui il avait lié amitié.
Entre-temps, l'objectif suit à la trace, nuit et jour, les évolutions quotidiennes du bataillon. Gestes ordinaires et missions de terrain, « du futile au dramatique », résume le photographe. On joue de la guitare, tire un obus, lit son courrier, nettoie les armes, boit le thé, crapahute dans la poussière… Parfois, la tension monte d'un cran quand la section déniche des caches d'armes, des documents confidentiels sur les talibans, occupe un village. Regards inquiets des Afghans. Le capitaine explique, parlemente, négocie. Un soldat joue aux billes avec des enfants. Ailleurs, des médecins militaires français en soignent d'autres.
Ainsi va la vie du 7e BCA, entre force et précautions, contraintes et humanité. « Tout cela rend les relations avec la population très lointaines, voire inexistantes. Je n'aurai pour ma part qu'une seule et unique occasion de parler avec un Afghan », raconte le photographe qui dit être « partagé entre l'admiration pour le courage de ces hommes noyés dans l'indifférence de leur pays et la question lancinante de l'efficacité d'une action militaire en Afghanistan ».
C'est dit sans complaisance, ni ton péremptoire. Mais avec la distance respectueuse qu'imposait le contrat de départ : témoigner sans juger, donner à voir sans interpréter, rendre compte sans commenter. Au lecteur d'en tirer les conclusions qu'il entend.

« Kapisa », Jean-Christophe Hanché, 25 euros. Le livre donnera lieu à une exposition à Grenoble en novembre et à Reims l'an prochain.Il est également disponible en ligne sur : www.kapisa-afghanistan.com

http://www.lunion.presse.fr/article/culture-et-loisirs/photos-en-afghanistan-le-quotidien-des-soldats-francais
hebergeur image

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