Sa vie a basculé sur la route reliant Tagab à Nijrab, en février dernier. A 23 ans, il est amputé d'une jambe. Ce courageux maître-chien a retrouvé hier son berger belge malinois, avant de retourner à l'hôpital Percy.
IL semble seul dans le grand hall froid de l'hôpital d'instruction des armées, à Clamard. En jogging sur un fauteuil roulant, son visage est presque celui d'un enfant. L'armée de terre a décidé de le placer sur le devant de la scène hier, « pour montrer une réalité concrète », comme l'explique un officier. Cette réalité, c'est la guerre d'Afghanistan, dans laquelle la France est engagée depuis maintenant dix ans.
« Parce que c'est la procédure »
Benjamin Atgie se trouvait à bord d'un blindé (VAB) avec son chien Arion aux côtés de chasseurs alpins, le 19 février dernier, quelque part entre Tagab et Nijrab. Caporal au 132e Bataillon cynophile de Suippes, il est maître-chien. Arion, son berger belge malinois de 6 ans, est spécialisé dans la « détection humaine ». C'est en partie grâce à ces animaux spécialement dressés par le 132e que les armées peuvent repérer ceux qui déclenchent les engins explosifs à distance, avant qu'il ne soit trop tard. Mais le 19 février, le VAB dans lequel le caporal Atgie et son chien se trouvaient est atteint par une roquette tirée à très courte distance. Le blindage est transpercé, un chasseur alpin est tué dans l'explosion. « Mon premier réflexe a été de mettre la muselière à mon chien » raconte le jeune homme, « parce que c'est la procédure ».
Il ne se souvient pas de la suite. Transporté d'urgence jusqu'à l'hélicoptère, il sera acheminé en un temps record à l'hôpital Percy, en région parisienne. A 23 ans, il a frôlé la mort. La guerre lui a pris une jambe, mais n'a pas atteint son équilibre psychique. Il conserve d'ailleurs un optimisme qui ne semble pas feint. « Son seul objectif est de réintégrer le bataillon », constate son chef de corps, le lieutenant-colonel Mircher.
Trois mois après le drame, le caporal Atgie s'entraîne encore quotidiennement pour apprendre à se mouvoir avec un membre coupé en dessous du genou. « L'Afghanistan, ce n'est pas à prendre à la légère » a-t-il expliqué devant les caméras dans une clairière de Clamard où il a enfin pu retrouver son chien Arion.
« Une fois que c'est arrivé, il est trop tard »
Des retrouvailles organisées par l'armée de terre, qui a décidé de médiatiser la scène, avec l'accord du blessé. « Choisir de partir là-bas en opération, c'est un risque sérieux, même si on nous le dit sans cesse. Une fois que c'est arrivé, il est trop tard » répète Benjamin Atgie, avant d'ajouter : « mais, franchement, ça ne me dérangerait pas de retourner en Afghanistan ».
Le caporal, malgré son jeune âge, a déjà une solide expérience. Il fut envoyé au Liban en 2009 pendant quatre mois, ainsi qu'en Haïti en 2010, après le séisme dans lequel périrent plus de 200 000 personnes. Son projet est bien formé, il veut retrouver sa mission de maître-chien, coûte que coûte. Originaire de la région parisienne où il peut aujourd'hui retrouver régulièrement sa famille, Benjamin Atgie a reçu la visite régulière de ses frères d'armes du 132e bataillon de Suippes à l'hôpital Percy.
Les retrouvailles du caporal avec son chien ont été l'occasion pour l'armée de « donner un peu plus de visibilité aux blessés ». Mais il n'est pas dans les habitudes de la grande muette de médiatiser ainsi les victimes de conflits dans lesquels elle est encore engagée. Faut-il y voir le signe d'un changement de stratégie de la part de la France ? 58 soldats français ont été tués en Afghanistan et plus de 400 blessés depuis 2001. Près de 20 soldats sont actuellement pris en charge sur Paris suite à des blessures graves sur ce front.
http://www.lunion.presse.fr/article/marne/mutile-en-afghanistan-le-caporal-benjamin-atgie-retrouve-arion
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