ARGELES-SUR-MER
Le geste n'est plus tout à fait sûr, le regard est parfois figé, mais les souvenirs de ces années d'horreur sont toujours intacts. En cette journée nationale de la déportation et le 66e anniversaire de la libération des camps et le retour des déportés, nous avons souhaité publier ce témoignage. Des souvenirs terribles, parfois un peu confus, mais raconté avec beaucoup de simplicité et d'humilité par cet homme rescapé, qui n'a jamais oublié ses compagnons.
Résistant du "fer"
En 1942, Maurice Cordonnier est cheminot dans la zone occupée, il est employé dans la gare de triage et parvient à "brouiller" la destination de certains wagons. Deux ans plus tard, sur dénonciation il est arrêté par la Gestapo à Estang ou il est interrogé, torturé et emprisonné. A Compiègne, on le fait monter dans un train, destination inconnue, il tente de s'évader mais est repris dans la forêt de Soisson. Il arrive au camp de Neuenganne et il se souvient : "Nous avons vu les Rayes, des hommes portant des vêtements rayés, de quinze nationalités différentes, ils tenaient des chiens en laisse et portaient un triangle vert sur leur maillot, c'était des prisonniers qui obéissaient aux ordres. Parfois on nous donnait de la soupe aux choux au cumin, nous travaillions 12 h par jour et mon matricule était le 36 582, nous avions faim et soif. Nous étions comptés 12 fois par jour".
Puis un jour, Maurice Cordonnier est transféré, pour construire une base sous-marine : "Nous déchargions des sacs de ciment de 50 kg durant 12 h, sous la menace de garde armés. Je me souviens que les déportés espagnols étaient les seuls à porter les sacs sur la tête !".
En décembre 1944, c'est à nouveau un changement de camp : "il y avait une épidémie de typhus, les hommes mouraient par centaines, il y avait beaucoup de Russes. Un jour on m'a allongé par terre, j'allais être fusillé ou brûlé au lance-flammes, mais heureusement pour moi, je pouvais encore travailler, alors ils m'ont épargné. Nous urinions dans une boîte, avant de boire. Il y avait des morts partout".
Puis il y a eu cette journée inoubliable : "Évidemment je ne savais rien de l'actualité, un jour un soldat russe m'a pris dans ses bras puis m'a porté dans un local ou les femmes lavaient les maigres survivants, dans des baquets de bois d'où émanait une forte odeur de javel. On nous a offert une soupe de pois cassés et de viande. Mon compagnon belge a tellement mangé qu'il en est mort. C'est alors que j'ai appris officiellement par les officiers russes que la guerre était finie. Le 8 mai 1945, j'ai rencontré Geneviève De Gaulle qui effectuait un recensement des Français. Puis ce fut le retour en France ou j'ai été accueilli par la Croix-Rouge".
Maurice Cordonnier est officier de la Légion d'honneur, il a été décoré notamment de la Croix de guerre, Croix du combattant et médaillé de la Déportation et de l'internement pour faits de Résistance...
Et le président du Souvenir français d'Argelès Michel Serbanne de conclure : "A travers cet homme engagé pour la liberté de son pays, on ne peut que penser et respecter tous ceux qui ont combattu pour la France. Un engagement et une mémoire que l'on se doit de transmettre aux générations futures".
La cérémonie d'hommage aux victimes et héros de la déportation se déroulera ce dimanche, rassemblement au cimetière (Mémorial des martyrs) à 10 h 45.
http://www.lindependant.fr/2011/04/24/journee-des-deportes-temoignage-d-un-rescape,10205.php
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