Alain Juppé fait son grand retour au gouvernement, qu'il avait été forcé de quitter il y a trois ans. Celui que Jacques Chirac avait un jour appelé "le meilleur d'entre nous" a été nommé ministre d'Etat, ministre de la Défense et des anciens combattants.
Celui qui plaidait en juillet pour un "profond remaniement" et un "changement de méthode" avait déjà confirmé samedi à demi-mot son retour au gouvernement, espérant démontrer aux Bordelais qu'il pouvait faire "deux choses". "Ce n'est pas la première fois qu'un ministre est également maire d'une grande ville", avait-il dit.
Après la victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, l'ancien Premier ministre avait été nommé ministre d'Etat, ministre de l'Ecologie, du développement et de l'aménagement durables. Mais quelques semaines plus tard, après sa défaite aux législatives de juin, il avait été contraint de se plier à la règle imposée par le président et François Fillon aux ministres battus et de démissionner.
Le 6 novembre dernier, le maire de Bordeaux, qui est âgé de 65 ans, avait expliqué sur France-3 Aquitaine que "sous certaines conditions", il était "prêt" à aider Nicolas Sarkozy pour "éviter" une victoire du Parti socialiste en 2012.
Depuis sa démission en juin 2007, Alain Juppé n'a pas mâché ses mots, n'hésitant pas à critiquer la politique de Nicolas Sarkozy. Il s'est notamment déclaré "pas hostile" à un "aménagement" du bouclier fiscal pour "envoyer un signal d'équité et de justice" ou s'est "fortement" interrogé sur "l'utilité" pour la France de rejoindre le commandement intégré de l'OTAN.
Fils de petit propriétaire terrien, né le 4 août 1945 à Mont-de-Marsan (Landes), ce normalien, agrégé de lettres classiques, énarque et inspecteur des finances, a débuté en politique en 1976 comme "plume" de Jacques Chirac, alors Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing. Dès lors, à l'Hôtel de Ville de Paris, en campagne électorale ou au sein du RPR, sa fidélité pour Jacques Chirac ne se démentira plus. En retour, ce dernier, fasciné par ses capacités intellectuelles, lui assure une carrière fulgurante.
Dès 1976, Alain Juppé est ainsi nommé délégué national du RPR, avant d'être élu député européen en 1984. Deux ans plus tard, l'adjoint aux Finances du maire de Paris entre au gouvernement sous la première cohabitation, comme ministre délégué au Budget. Directeur de la campagne de Jacques Chirac pour la présidentielle de 1988, il prend, au lendemain de l'élection, le secrétariat général du RPR.
Alain Juppé ne quittera la tête du RPR que pour le ministère des Affaires étrangères, sous la deuxième cohabitation (1993-1995). Parallèlement, il se cherche un fief. Il refuse la mairie de Paris et préfère Bordeaux, que Jacques Chaban-Delmas lui confie en juin 1995.
La consécration arrive le 17 mai 1995. Tout juste élu à l'Elysée, Jacques Chirac nomme logiquement à Matignon celui qui ne l'avait jamais abandonné alors que tous les ministres, Nicolas Sarkozy en tête, rejoignaient un à un le camp d'Edouard Balladur.
Alain Juppé, mis en cause dans l'affaire des logements de la ville de Paris, et dans celle des emplois fictifs du RPR, n'a guère le temps d'en profiter. Il doit aussi faire face à la grogne suscitée par une politique de rigueur bien éloignée des promesses de campagne par Jacques Chirac. Sans oublier l'épisode des "Juppettes", douze femmes ministres trop vite remerciées.
Surtout, ces deux années à Matignon lui valent l'image peu enviable d'un homme "droit dans ses bottes" face à des millions de personnes descendues en décembre 1995 dans la rue pour protester contre sa réforme de la SNCF, des régimes de retraite et de la Sécurité sociale, et une impopularité qui ne se démentira plus.
Le 21 avril 1997, Jacques Chirac préfère dissoudre l'Assemblée nationale pour mettre au pas une majorité de plus en plus critique plutôt que de renvoyer Alain Juppé. Lâché par ses amis politiques après cette dissolution ratée, le député-maire de Bordeaux consacre sa traversée du désert à préparer l'union de la droite.
Après la réélection de Jacques Chirac, Alain Juppé, encore trop discrédité pour revenir au gouvernement, se voit confier le rôle ingrat de constituer le parti du président. A sa naissance, le 17 novembre 2002, l'UMP, issu de l'addition du RPR, de Démocratie libérale et des chiraquiens de l'UDF est considérée comme une rampe de lancement de l'héritier vers l'Elysée. Ces plans volent en éclats avec sa condamnation le 30 janvier 2004 à 18 mois de prison avec sursis et 10 ans d'inéligibilité dans l'affaire des emplois fictifs du RPR. La peine sera réduite en appel à un an d'inéligibilité.
Très affecté, l'homme se retire provisoirement de la vie politique, laissant la présidence de l'UMP à Nicolas Sarkozy. Il part au Québec, où il enseigne pendant l'année 2005-2006 à l'Ecole nationale d'administration publique (ENAP). A son retour, il est réélu maire de Bordeaux en octobre 2006, puis à nouveau en mars 2008.
Alain Juppé n'attendra pas Jacques Chirac pour se rallier à Nicolas Sarkozy, à qui il a apporté son soutien avant son intronisation le 14 janvier 2007 par l'UMP. "Il y a quelque chose qui me dit qu'on n'a pas fini de travailler ensemble", lui avait lancé en mars de cette année-là le futur président. Après l'avoir choisi, avec Michel Rocard, pour présider en 2009 la commission sur le grand emprunt, Nicolas Sarkozy a cette fois fait appel à lui pour cette nouvelle phase de son mandat
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20101114.FAP0999/alain-juppe-revient-au-gouvernement.html
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